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Argentine : un élargissement des luttes face aux mesures anti-populaires de Milei

Manifestation en défense de l’université publique mardi 23 avril, à Buenos Aires

Cela fait maintenant plus de cent jours que le président d’extrême droite Javier Milei a été élu en Argentine. Bien qu’il dispose d’un certain appui dans une partie de la population, sa politique est bien éloignée de ses promesses anti-caste et le mécontentement grandit. Malgré des bureaucraties syndicales qui font tout pour ne pas inciter à se mobiliser et descendre dans la rue, alors que le courant politique péroniste qui les anime est désorienté et divisé, la mobilisation s’étend ; l’extrême gauche est en première ligne pour pousser à l’organisation et à l’unité des travailleurs face à Milei et son gouvernement.

Plan tronçonneuse

La politique de l’extrême droite au pouvoir est brutale : 21 000 licenciements dans la fonction publique ; 100 000 travailleurs licenciés dans le secteur de la construction en raison du gel des travaux publics ; plus de 1 000 emplois touchés, entre suspensions et licenciements, dans une quarantaine d’entreprises textiles ; l’Union cheminote (UF) et l’Association du personnel de direction des trains et des ports argentins (APDFA) parlent de 135 licenciements ; le Syndicat des mécaniciens et ouvriers du transport automobile (Smata) de la province de Córdoba signale entre 200 et 300 licenciements chez Renault… et ainsi de suite dans tous les secteurs.

Ces licenciements massifs se conjuguent à une inflation de 51,6 % au premier trimestre 2024 et à une inflation de 287,9 % en glissement annuel au mois de mars. Les augmentations de prix dans certains services tels que les transports dépassent 200 % en moyenne. Pour l’électricité, l’augmentation sur un an était de 411 %.

Parallèlement, les coupes budgétaires touchent des dizaines d’institutions. L’Institut national du cinéma et de l’audiovisuel (Incaa) subit un énorme démantèlement. Licenciements, fermeture des plateformes numériques de contenus audiovisuels nationaux (Cine.Ar et Cine.Ar Play), vente du cinéma national Gaumont, privatisation de l’École nationale d’expérimentation et de production cinématographiques (Enerc) et suppression du financement des premières représentations, des festivals et des programmes. L’université publique, elle, risque de fermer ses portes, car son budget (égal à celui de l’an passé sans prise en compte de l’inflation) n’est même pas suffisant pour garantir l’intégralité des salaires des enseignants pour le mois à venir. Et le Conicet (organisme dédié à la promotion de la science et de la technologie dans le pays) a subi des licenciements : 60 % des bourses de doctorat ont été supprimées et plus de 300 instituts n’ont pas les fonds nécessaires pour maintenir des services minimums.

Les forces de la rue

Cette attaque contre la classe ouvrière et plus généralement les classes populaires et une bonne partie de la jeunesse, sur de prétendus fondements et critères économiques, est idéologique et politique. Ces mesures viennent accompagnées de la mise en place d’un protocole répressif, déclaré illégal même par l’ONU, qui conduit, à l’occasion de chaque manifestation, à des dizaines de personnes blessées et arrêtées. Mais face à la répression, les mobilisations, les rassemblements, les assemblées générales, les pléniers ou encore les réunions ouvertes ne cessent de croître. Voisins, travailleurs, étudiants, militants associatifs ou d’extrême gauche jouent un rôle fondamental dans la construction d’espaces démocratiques de coordination qui visent à organiser une réponse d’ensemble au plan global de Javier Milei. Alors que les dirigeants de la CGT étaient en vacances, les secteurs combatifs ont organisé des assemblées sur la plupart des lieux de travail pour promouvoir la grève du 24 janvier, qui a mobilisé plus de 1,5 million de personnes ; le 8 mars, des dizaines de milliers de personnes ont occupé les rues dans tout le pays contre les mesures d’austérité et pour défendre l’avortement légal et le 24 mars, jour de commémoration du coup d’État militaire de 1976, 100 000 personnes se sont mobilisées à Buenos Aires contre l’extrême droite au pouvoir. Des cadres d’auto-organisation voient le jour dans les quartiers, dans les entreprises, dans les universités, pour la défense de la santé et de I’enseignement public, pour des augmentations de salaire, contre les licenciements, l’inflation et les hausses des tarifs. La mobilisation et l’organisation par en bas résistent au plan tronçonneuse. Milei n’a pas réussi à faire passer ses lois, dont cette « Loi omnibus » qui prévoyait de lui octroyer des pouvoirs élargis (elle a dû être retirée), ou le « Décret de nécessité et d’urgence » qui est suspendu à 70 % par la justice. On voit ainsi la fragilité paradoxale d’un pouvoir qui se voudrait bien plus fort. Et si Milei n’arrive pas à unir la bourgeoisie derrière ses mesures, si les parlementaires lui ont refusé les pouvoirs élargis, c’est évidemment par peur du chaos social que cela pourrait engendrer dans une situation où la lutte contre le gouvernement s’organise et s’étend.

Construire une alternative politique : la tâche des révolutionnaires

Les premiers mois du gouvernement de Milei montrent qu’il existe une force sociale prête à l’affronter, et que, dans un cadre de crise et de passivité du péronisme syndical et politique, l’extrême gauche – qui n’a jamais cessé d’être de tous les combats – a la responsabilité de proposer une politique alternative. Après la marche pour la défense de l’université publique le 23 avril – qui a réuni dans la rue plus d’un million d’étudiants, professeurs et travailleurs des universités – se tiendra le 27 avril une rencontre des travailleurs avec ou sans emploi, des assemblées de quartier et de tous les secteurs en lutte pour préparer le 1er mai et la grève générale du 9 mai appelée par les centrales syndicales du pays. La principale tâche des révolutionnaires en Argentine est de travailler à l’unité des travailleurs dans la lutte contre Milei et son gouvernement ; si celui-ci s’attaque à tous les pans de la société, un à un, c’est d’un mouvement d’ensemble dont ont besoin les travailleurs et les travailleuses. Face à la bureaucratie syndicale, l’extrême gauche doit défendre l’organisation démocratique d’une lutte de toutes celles et ceux qui font tourner cette société, et qui un jour devront la diriger.

Tamara Madrid (LIS) et Robert Daman