Nouveau Parti anticapitaliste

Nos vies valent plus que leurs profits

413 milliards pour l’armée : Macron arrose les marchands de canons

L’augmentation du budget militaire de la France, qui atteindra 413 milliards sur sept ans, fait de 2023 l’ouverture de quelques bonnes années pour les marchands d’armes. Et ce, après des années déjà fructueuses. La France ne fait pas office d’exception : le budget de la défense américaine aussi a explosé et l’Allemagne avait annoncé déjà en mai dernier 107 milliards d’euros supplémentaires pour moderniser son armée, notamment.

Depuis la pandémie et encore plus avec la guerre en Ukraine (qui de surcroit sert de prétexte notamment à la France et à l’Allemagne pour gonfler leurs propres budgets militaires), l’industrie de l’armement se porte très bien et chaque année est l’occasion de nouveaux records. Les budgets militaires explosent, les carnets de commandes se remplissent au point que la production peine à suivre. Des projets mirobolants voient le jour, à l’instar du système de combat aérien du futur (SCAF), projet européen estimé à 100 milliards d’euros. Alors que des millions de personnes à travers le monde subissent les horreurs de la guerre, un nombre bien plus restreint bâtit des fortunes grâce à elle.

Vendre, vendre et après le déluge… de bombes

Dassault a conclu l’année avec un carnet de commandes record, en grande partie du fait de son avion de combat Rafale. Sans surprise, cette situation florissante concerne aussi d’autres fabricants d’armes, notamment français. Le Canard enchaîné du 4 janvier signalait un excellent mois de décembre 2022 pour les marchands de mort.

En 2021, selon le dernier bilan publié par l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les cent plus grandes entreprises du secteur ont vendu pour un total de 592 milliards de dollars d’armes et de services militaires (2 % de plus que l’année précédente) et tout semble indiquer que 2022 a encore été plus lucrative. Ainsi la Pologne a commandé deux satellites espions et une station de contrôle à Airbus quand l’Ukraine réclame de nouveaux canons Caesar fabriqués par Nexter, ces mêmes canons dont 18 viennent d’être commandés par la Lituanie fin de décembre. D’ailleurs, le même Nexter se réjouit de la livraison de 113 engins blindés Griffon et 18 Jaguar, produits en collaboration avec Thalès et Aquus (ex-Renault Trucks, appartenant à Volvo).

Cette bonne santé n’est pas réservée qu’à la France, même si celle-ci reste un des principaux leaders dans ce business macabre. Le Canada a commandé début janvier 88 F-35 du constructeur américain Lockheed Martin, quand l’Allemagne en a commandé 35, la Suisse 36, cet avion continuant sur la lancée de 2021 (142 exemplaires vendus) et pénétrant de nouveaux marchés dans le monde entier.

États, marchands d’armes et associations de malfaiteurs

Dans ce marché, les industriels peuvent compter sur leur État. La France reste le principal client de Dassault, et son État intervient de plus pour faciliter l’achat par d’autres pays des Rafale, en servant de prêteur. Pire encore fin 2021, par exemple, l’Agence française anticorruption (AFA) révélait que pour obtenir le contrat de vente de Rafale à l’Inde en 2016 (pour la modique somme de 7,8 milliards), dont Hollande et son ministre Le Drian étaient si fiers, Dassault avait déboursé un million d’euros en faveur d’un intermédiaire… poursuivi pour blanchiment. Un dossier vite enterré par la suite.

Les « usagers » sont là pour faire si besoin pression sur les ministres pour qu’ils passent commande. Ainsi en février 2022, peu avant le conflit en Ukraine, le général Mille, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, estimait le stock d’avions Rafale à son strict minimum, plaidant pour de nouvelles commandes. Il est revenu à la charge en juillet, précisant qu’il lui en faudrait une quarantaine de plus. C’est aussi au prétexte du conflit ukrainien que l’Institut français des relations internationales (Ifri) a pondu un rapport alarmiste sur les stocks de munitions. La France ne serait pas prête à un conflit de grande ampleur et la conclusion est sans appel : s’armer encore et toujours de plus en plus pour préparer l’avenir. Pas de quoi nous réjouir…

Des milliards dont on aurait bien besoin ailleurs

Les bourgeois qui s’enrichissent avec ce commerce ont du sang sur les mains. Car si l’on vend des armes à gogo même en temps de paix (elles se démodent si vite !), les guerres en sont tout de même les meilleures vitrines. Et parfois objets de jalousie. Ainsi Éric Trappier, le PDG de Dassault, déclarait bien en novembre que si « toute guerre est partiellement mauvaise », la guerre en Ukraine l’était aussi… parce qu’elle profitait plus aux Américains. Pour l’humanisme, on repassera.

La glorieuse annonce de Macron, le 20 janvier, de ces 413 milliards d’euros consacrés au budget militaire pour les sept ans à venir est à comparer aux 17 milliards de déficit que pourrait atteindre selon le gouvernement (pour l’instant le déficit n’est pas encore là) le budget des caisses de retraite d’ici 2032… dans dix ans, et au nom duquel il faudrait nous faire bosser jusqu’à 64 ou 67 ans.

Marinette Wren


L’industrie d’armement côté cour

La filière a beau être très lucrative, les conditions de travail dans l’industrie d’armement ne sont pas plus vertueuses que ce qu’on y produit. Les salaires sont bas et le recours à la sous-traitance et à la délocalisation pour minimiser les coûts monnaie courante. Les carnets de commandes bien remplis ne signifient qu’une chose pour tous les travailleurs du secteur : des cadences en hausse et une mise en danger accrue alors que les conditions de travail sont déjà déplorables. Si les armes tuent des millions de personnes, leur production tue à petit feu de nombreux ouvriers exposés à des produits dangereux alors que les protections manquent ou que la pression pour produire en pousse beaucoup à négliger leur propre santé.

Dans les rangs des travailleurs, beaucoup expliquent qu’à tout prendre, ils préféreraient mettre leur savoir-faire à des fins plus utiles que produire des engins de guerre.

Quant aux milliards engrangés, il est difficile de ne pas voir à quoi d’autre ils pourraient servir. Un Rafale, c’est autour de 75 millions d’euros, à peu de choses près les 80 millions nécessaires à la construction d’un hôpital. Un canon Caesar, c’est 5 millions d’euros, le fonctionnement moyen d’un collège, 4,4 millions. Le budget courant de la Défense, 43,9 milliards pour 2023 (contre 40,9 en 2022), permettrait d’embaucher pour toute une année 228 000 infirmières. Les profits de 2021 des 100 plus grosses entreprises du secteur pourraient financer deux années de lutte pour éradiquer la faim dans le monde… et il resterait encore 58 milliards de dollars !

M.W.