2 h 17 min, en salle
En haut du classement macabre des taux de suicide dans les pays développés, on retrouve la Corée du Sud. C’est même la première cause de décès chez les jeunes. About Kim Sohee, inspiré d’une histoire vraie survenue en 2016, expose les racines de ce mal.
Apprentissage de l’exploitation
Le film suit l’histoire de Kim Sohee, lycéenne qui réalise son stage de fin d’études dans une plateforme téléphonique sous-traitante de la grande compagnie Korea Telecom. Là, elle découvre les affres de l’exploitation capitaliste. Son travail consiste à dissuader des clients de résilier leur abonnement, voire de les convaincre de souscrire à une offre plus chère.
La mise en concurrence des travailleuses (ce sont surtout des femmes que l’on voit à l’écran) est matérialisée par un tableau classant leurs performances individuelles. Les encouragements des petits managers à se donner corps et âme au travail sont aussi fréquents que les humiliations publiques contre une employée jugée défaillante. Alors, pour tenter de tenir des objectifs inatteignables, les téléopératrices multiplient les heures supplémentaires et appellent de manière répétée les clients au point de s’exposer à leurs insultes.
Le fait que Kim Sohee soit stagiaire n’arrange rien. L’entreprise la paie toujours moins que les autres, alors qu’elle fait le même travail.
Le règne de l’omerta
Kim Sohee ne trouve aucun soutien dans le système scolaire. Et pour cause, en Corée, les lycées sont classés suivant leur « taux d’emploi », c’est-à-dire selon l’insertion professionnelle de leurs élèves. C’est ce qui détermine le montant de leur budget. Les enseignants ont donc intérêt à « placer » les lycéens à tout prix… et à fermer les yeux sur leurs conditions de travail en stage. Puis la police s’en mêle, car un des petits managers du centre d’appel est retrouvé un matin dans sa voiture sur le parking de l’entreprise, suicidé. On découvre vite qu’il a laissé derrière lui une lettre incriminant le fonctionnement de la plateforme. Pour étouffer l’affaire, les cadres dirigeants font signer à toutes les employées un document les dédouanant, que Kim hésite à remplir…
La jeunesse ouvrière dans le brouillard
Kim Sohee résiste valeureusement mais les pressions contre elles sont fortes. Ses amis, également en stage, subissent aussi la violence de la discipline capitaliste et la souffrance de ne pas pouvoir en parler. Alors ils cherchent des échappatoires que le film montre de manière crue : consommation excessive d’alcool, tentative de devenir une star des réseaux sociaux ou de la K-Pop (la musique populaire coréenne)…
About Kim Sohee n’est pas un film de lutte collective. Mais la situation qu’il décrit est grosse de colère.
Bastien Thomas