Nouveau Parti anticapitaliste

Nos vies valent plus que leurs profits

Actualité et urgence de la révolution (texte de la plateforme C au congrès du NPA de 2022)

PARTIE I – SITUATION INTERNATIONALE

UN SYSTÈME CAPITALISTE QUI PLONGE L’HUMANITÉ DANS LA CRISE MAIS DOIT AUSSI FAIRE FACE À DES CONTESTATIONS POPULAIRES ET OUVRIÈRES

1. Le capitalisme responsable de toutes les crises qui menacent l’humanité et la planète

Nous sommes confrontés à une situation internationale, avec des déclinaisons évidemment diverses selon les pays, où la faillite du système capitaliste à satisfaire les besoins de l’humanité – près de huit milliards d’individus – explose sous la forme d’une polarisation extrême entre une immense masse de prolétaires d’un côté et une poignée de super nantis de l’autre. Sous la forme aussi d’une surexploitation et d’une précarisation du travail humain qui s’accompagne d’une multitude de formes d’oppressions et de guerres engendrées par les appétits impérialistes. Cette fuite en avant du système capitaliste se répercute jusqu’à la destruction parfois irréversible des écosystèmes.

La pandémie du Covid-19 et la guerre en Ukraine ont fragilisé et rompu provisoirement les chaînes d’approvisionnement. Nous assistons à une réorganisation, une fois de plus sanglante, du capitalisme mondial : les grandes entreprises et les gouvernements à leur service s’efforcent de renverser tous les obstacles à l’exploitation maximale des humains et de la nature, en ne reculant devant aucun moyen, aussi guerrier et violent soit-il. Plus généralement, les grandes puissances capitalistes façonnent un monde où les inégalités explosent malgré le potentiel pour libérer l’ensemble de l’humanité de la faim et du besoin, et où les bases militaires et les murs et barbelés hérissent la surface du globe malgré le développement de transports et de moyens de communication qui pourraient et devraient rapprocher les êtres humains. La dynamique anarchique du capitalisme réactualise les rapports de force entre grandes ou moyennes puissances, les conflits armés, les durcissements autoritaires y compris au sein des régimes parlementaires des pays riches.

2. La régression mondialisée provoque des révoltes populaires et l’émergence de contestations prolétariennes

Dans le même temps, le prolétariat réagit, avec des vagues inédites de contestations sociales de grande échelle. D’abord en 2011, nous avons assisté à des processus révolutionnaires sans précédent – depuis des décennies – au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Mais l’absence de directions révolutionnaires a fait basculer ce « printemps arabe » en hiver, vers des contre-révolutions ou en tout cas des régimes autoritaires. Pourtant, moins de dix ans après, en 2019, nous avons connu un regain de contestations de masse, là aussi touchant les zones urbaines, cette fois partout dans le monde : au Soudan, en Algérie, en Haïti, à Hong-Kong, au Honduras, au Kazakhstan, à Porto Rico, au Liban, au Chili, en Irak, en Colombie, au Sri Lanka, et une montée des grèves en Iran suivie de l’explosion des manifestations contre le régime aujourd’hui…

En 2020, il y a eu la vague de manifestations aux États-Unis contre le racisme de la police (mort de George Floyd) relayée par des manifestations importantes en Europe, notamment en France avec le comité Adama et lors des mobilisations contre la loi Sécurité globale. Depuis des années différents pays (en Amérique latine, aux États-Unis, en Pologne…) ont connu des mobilisations féministes de masse contre l’oppression spécifique subie par les femmes, notamment contre les violences sexistes et sexuelles et pour lutter contre l’interdiction ou criminalisation de l’IVG. Ces mobilisations féministes ont été défensives dans les pays qui ont connu des reculs réactionnaires comme les États-Unis, mais il y a eu aussi des revendications offensives qui ont obtenu des victoires, notamment la légalisation de l’avortement en Argentine qui a inspiré une vague verte dans toute la région. La jeunesse n’est pas en reste et participe en nombre à toutes ces mobilisations en y jouant un rôle central, entre autres dans les luttes sur le climat. La pandémie de Covid n’a pas empêché cette remontée de la lutte des classes. Et depuis le 17 septembre, l’Iran s’est embrasé : c’est une mobilisation exceptionnelle des femmes, qui a ouvert la voie à une contestation politique et sociale généralisée.

En cette année 2022, l’inflation mondiale met des continents entiers en tension, avec un effondrement social, y compris au sein de puissances régionales comme la Turquie et l’Argentine. Partout, l’inflation pose la question des salaires. Mais l’envolée des prix touche aussi des couches populaires autres que salariées, avec des conséquences particulièrement dramatiques dans certains pays qui débouchent sur des mobilisations insurrectionnelles, comme cet été au Sri Lanka. À des degrés variables, il s’agit d’un phénomène mondial.

Depuis 2008, les grandes puissances n’arrivent pas à stabiliser la situation. La mondialisation capitaliste laisse la place au retour du protectionnisme et à une montée du militarisme et de l’autoritarisme. La vague inflationniste, l’explosion des inégalités, sans évidemment oublier la crise climatique ressentie désormais sur tous les continents, y compris en Europe, s’accompagnent d’un risque renouvelé de guerre mondiale. Mais la machine à profits continue, elle, de fonctionner, pour preuve l’explosion des profits des multinationales et du nombre de milliardaires. Cela aboutit à une prise de conscience de plus en plus partagée, sinon généralisée : le capitalisme mène l’humanité dans le mur. Les sentiments de révolte contre l’explosion des inégalités (au niveau mondial comme au sein des pays impérialistes) se propagent, et le discrédit des partis politiques, y compris dits « de gauche » (voir l’usure rapide du néo-réformisme au Chili), comme des appareils syndicaux traditionnels, s’accélère.

D’un côté, cette situation renforce une extrême droite multiforme mais bien présente sur toute la planète. De l’autre, ces facteurs objectifs pourraient converger et déboucher sur de véritables révolutions sociales. Ce qui rend indispensable le renforcement du facteur « subjectif », par la construction de directions, de partis révolutionnaires capables de comprendre, de se lier et d’intervenir dans ces contestations politiques et sociales, avec l’objectif de transformer les révoltes en révolutions sociales qui ne renversent pas seulement un dictateur ou un régime, mais mettent fin à la dictature du capital et établissent une situation de double-pouvoir débouchant sur un gouvernement des travailleurs et des travailleuses.

3. Le capitalisme porte en lui la guerre, comme la nuée porte l’orage

Depuis le 24 février 2022, la guerre a été déclarée par la Russie à l’Ukraine. L’invasion russe établit une réévaluation des rapports de forces et relations entre différents pays impérialistes (entre grandes et moyennes puissances). Il y a des débats internes pratiquement dans tous les partis (y compris au sein du NPA), y compris entre les sensibilités signataires de cette plateforme, qui ne manqueront pas d’exprimer à nouveau leurs points de vue avec les nuances nécessaires dans leurs contributions ou motions respectives. Mais nous avons toutes et tous en commun de dénoncer la brutale invasion militaire de l’Ukraine par l’armée de Vladimir Poutine :

• « Troupes russes, hors d’Ukraine ! »,
• « Droit du peuple ukrainien à disposer de son sort ! », y compris à s’armer contre l’envahisseur,
• « Soutien à celles et ceux qui, malgré la dure répression et au nom de la solidarité entre les peuples, s’opposent en Russie à la sale guerre de Poutine, aux appelés qui refusent de partir ! »

Nous dénonçons la politique de nos propres gouvernements des puissances occidentales qui profitent de la guerre pour défendre leurs intérêts économiques et nous disons : « Troupes de l’OTAN, dont au premier titre les troupes françaises, hors de tous les continents où elles prétendent gendarmer le monde, que ce soit Europe de l’Est, au Moyen-Orient ou en Afrique ! »
Il n’y aura pas d’issue contre l’invasion de Poutine sans une victoire des classes populaires ukrainiennes et russes qui sauraient se liguer, fortes de la solidarité active des travailleurs et travailleuses du monde, à commencer par ceux et celles de l’Europe.
Nous dénonçons donc la responsabilité de Poutine qui défend les intérêts impérialistes russes, même si les grandes puissances occidentales, derrière les USA, en profitent pour renforcer leur militarisation de la planète et favoriser leurs marchés, entre autres d’armes, d’hydrocarbures, de nucléaire, d’agroalimentaire, sans davantage de considération que Poutine pour les classes populaires ukrainiennes. Ces intérêts impérialistes rivaux portent en eux des risques de dérapages qui pourraient faire basculer la planète dans un conflit plus général.

Nous militons contre les unions sacrées derrière des drapeaux nationaux, pour l’union des travailleurs, des travailleuses et des peuples par-delà les frontières, avec la perspective de renverser le capitalisme.

4. L’actualité et l’urgence : la révolution

Reste que plusieurs ondes de choc ont parcouru le monde ces dernières années, et ces mois-ci. L’élément saillant tient à ces vagues de contestation sociale. Avec cette fois un nouvel ébranlement en Iran qui dépasse en profondeur les mouvements précédents, pour basculer de la révolte et de la vague contestataire à un début de révolution, qui à l’heure où nous écrivons, tient tête au gouvernement depuis plus de trois semaines malgré une terrible répression et au moins deux cents morts. Nous verrons si ce début de révolution aboutit au renversement du régime, ce qui modifierait les rapports de force sociaux en Iran et redonnerait confiance dans la perspective révolutionnaire dans la région et ailleurs. Mais déjà aujourd’hui ce mouvement est un encouragement pour tous les opprimés et toutes les opprimées du monde.

Les différents mouvements de contestation de la dernière décennie ont touché différentes couches sociales, mais le prolétariat y a joué un rôle, faute d’être un déterminant majeur. Certes, d’un côté il y a les poussées de l’extrême droite, non négligeables avec aujourd’hui encore la Suède et l’Italie ; nous assistons également au renforcement répressif des appareils d’État (moyens de surveillance, contrôles, militarisation des polices, lois sécuritaires). Mais d’un autre côté, il y a également les poussées révolutionnaires et leurs possibles développements.

Quelles perspectives ? Il faut se départir des vues unilatérales qui survalorisent la dynamique réactionnaire et, en espérant y remédier, mettent parfois en avant la nostalgie d’un monde révolu, comme s’il fallait en passer par la reconstruction mythique d’un mouvement ouvrier réformiste. Le temps des demi-mesures, des compromis avec les appareils d’État bourgeois, des appareils syndicaux très intégrés et autres « corps intermédiaires », des solutions « institutionnelles » et autres « constituantes » bourgeoises, est plus que jamais hors de propos – même si beaucoup encore s’y accrochent. Sans nier ces obstacles devant nous, c’est aussi dans ce contexte que les situations révolutionnaires objectives surgissent. Car au-delà des difficultés, des défaites provisoires de notre camp social, les mouvements récents ont montré leur capacité de résister, de créer des expériences sociales, de rendre pensable et possible une autre société. Le prolétariat a crû en nombre et en expérience à l’échelle mondiale pendant ces deux décennies. Alors, que faire ?

5. L’affirmation d’un pôle des révolutionnaires, y compris au niveau international

Qu’en est-il des organisations révolutionnaires aujourd’hui ? L’extrême gauche, en particulier trotskyste, qu’elle soit réduite à de petits groupes, parfois isolés ou qu’elle ait une influence certaine, à quelques centaines, voire quelques milliers, ou encore qu’elle soit très dispersée comme aux États-Unis, existe dans bien des pays, sur tous les continents. Lors des vagues contestataires de 2019, bien des groupes ont ressenti la nécessité – au-delà de l’émiettement des « internationales » peu influentes – de renouer des contacts. Ce serait plus que jamais la nécessité de l’heure. Dans ce cadre, les liens historiques entre le NPA et la IVe internationale, ex-SU, sont importants. Il s’agit de les renforcer mais au-delà, de renforcer et chercher à établir des liens avec l’ensemble des courants révolutionnaires internationaux, d’accumuler les expériences, les comparer, les confronter, donner corps à la pratique révolutionnaire et à la démocratie ouvrière. Renouer les discussions. Le monde est entré dans une période de crises et de tempêtes politiques et sociales (pas seulement climatiques et écologiques, même si ces derniers désordres sont des ferments de révolte). Les groupes révolutionnaires, toujours marginalisés en périodes de calme social, peuvent changer d’échelle et se retrouver à leur tête. C’est pourquoi ce ne serait pas le moment, sous prétexte d’être minoritaires, d’attendre ou espérer avant d’agir, sous prétexte d’aspiration unitaire, le bon vouloir de « réformistes », si tant est qu’on puisse ainsi qualifier des formations dites de gauche qui subsistent ou semblent connaître un sursaut électoral dans certains pays. Mais ce n’est pas non plus le moment de rester isolés les uns des autres, d’un pays à l’autre. L’expérience révolutionnaire dans un pays doit pouvoir se discuter, se transmettre dans les autres. Ce n’est pas le moment non plus que les révolutionnaires d’un même pays ne cherchent pas obstinément le contact entre eux et elles.

Au moment où les risques réels, mais aussi les possibilités d’affirmation se présentent pour notre classe, il est temps de faire vivre dans les faits un pôle révolutionnaire, sur place mais aussi au niveau international, premier pas vers la construction d’une nouvelle internationale.

PARTIE II – EN FRANCE, UNE BOURGEOISIE À L’OFFENSIVE ET DES EXPLOSIONS SOCIALES AUXQUELLES SE PRÉPARER

1. En France, la situation est marquée par la poursuite coûte que coûte de l’offensive patronale.

La volonté de Macron de remettre sur la table la réforme des retraites malgré l’avis de certains cercles patronaux qui prônaient un peu plus de prudence, a pour but de donner le ton : il n’y aura pas de pause dans les attaques malgré les crises, bien au contraire !

Ce pari d’un « passage en force » comporte ses risques, car les réactions n’ont pas manqué ces dernières années. La contre-réforme des retraites « à points » voulue par le MEDEF et Macron n’est pas passée. Cela n’aurait pas été possible sans les grèves et blocages de décembre 2019 et janvier 2020. Évidemment, le confinement en mars 2020 a contribué à faire remballer à Macron son projet, mais le patronat marche sur des oeufs sur cette question centrale sur laquelle il est en retard par rapport à ses homologues européens.

La pandémie elle-même n’a imposé une pause que toute relative : après les droits de retrait massifs dans certaines entreprises, comme à La Poste lors de la première vague du Covid en mars 2020, le spectre de la colère sociale a hanté le patronat et le gouvernement sur des questions plus directement politiques, comme la lutte contre les violences policières, le racisme ou la dérive autoritaire de l’État. Le cycle de politisation et de remontée des luttes continue, engagé en 2016 avec la lutte contre la loi Travail de Hollande, renforcé en 2018 par la « bataille du rail », les mobilisations étudiantes, le surgissement des Gilets jaunes et à partir du 5 décembre 2019 par la grève interprofessionnelle contre la réforme des retraites. Ces mouvements n’ont pas permis d’imposer des reculs significatifs au patronat, qui a poursuivi son offensive (mis à part le recul sur les retraites jusqu’à aujourd’hui). Mais la lutte des classes revient dans l’actualité (on le voit aujourd’hui avec les grèves dans les raffineries et le bras de fer qui s’engage à ce sujet entre travailleurs et travailleuses combatifs et combatives, et gouvernement à la botte des grands de l’énergie). Cette situation a politisé une fraction de la jeunesse, dans les milieux scolaires et dans le monde du travail, signe annonciateur de l’émergence d’une nouvelle génération militante.

Aujourd’hui, la colère sociale est alimentée par l’inflation (conflits chez PSA-Stellantis, TotalEnergies, mais aussi dans bien d’autres entreprises isolées, pour des primes et des salaires, entre autres dans certains secteurs de la ville de Paris) et par les projets scélérats de report de l’âge de départ en retraite. Mais plus profondément, c’est aussi l’incapacité palpable des classes dominantes à faire tourner la société – énergie, transports, éducation, santé – qui fait grandir la rage, et crée une situation sociale et politique instable, qui peut devenir explosive, prendre un caractère « lutte de classe » ou bien tourner à l’avantage de l’extrême droite.

C’est pourquoi la politique des appareils syndicaux est très souvent un obstacle. Ces appareils sont de plus en plus intégrés aux États, de plus en plus partenaires des patrons. Sauf dans de rares exceptions, ils n’encouragent pas aux luttes, désarment et émiettent les réactions ouvrières en les circonscrivant aux entreprises, aux secteurs, isolés les unes des autres. Aujourd’hui même, nous avons une direction de la CGT qui d’un côté semble vouloir riposter à Macron et Total/ ExxonMobil qui ont engagé un bras de fer contre les grévistes des raffineries ; de l’autre une fédération CGT de la métallurgie qui, dans l’automobile, exclut des militants, militantes et structures combatives de la CGT-PSA – la main dans la main avec un patronat qui veut avoir les coudées franches pour de vastes projets de reconversion électrique sur le dos des salariés. Il existe évidemment des forces syndicales actives avec lesquelles les militants et militantes d’extrême gauche doivent se lier, y compris au travers de pôles ouvriers. Une nouvelle génération militante a émergé. Des tentatives de regroupement des luttes existantes par des équipes syndicales ont eu lieu, auxquelles nos camarades ont participé. C’est juste à plus d’un titre : en particulier parce que des militants syndicaux et militantes syndicales de terrain (de diverses étiquettes), des équipes syndicales, sont sensibles à l’idée qu’on ne peut mener à bien les luttes si elles restent dispersées, et prennent conscience à la fois du besoin de coordination et du fait que les directions syndicales ne l’impulseront pas. Aider, partout où nos militants et militantes sont en position de le faire, les travailleurs, les travailleuses et les organisations conscientes des luttes à mener à s’organiser, à se rencontrer et coordonner leurs combats – syndiqués et non syndiqués – est une de nos tâches immédiates. C’est une des tâches essentielles des révolutionnaires aujourd’hui, qui doivent avoir confiance dans leur capacité à « parler directement » à des secteurs de la classe ouvrière qui cherchent des alternatives à la stratégie perdante des directions syndicales.

2. Comment vaincre l’extrême droite ?

La situation est aussi fortement marquée par une extrême droite qui sort renforcée du long tunnel électoral de 2022. Comme dans de nombreux pays où elle est déjà passée au gouvernement, elle profite du rejet des partis qui ont géré le système capitaliste depuis des années. La montée lente mais ininterrompue du FN/RN a été accélérée par la fusion de l’essentiel de la droite traditionnelle et de la gauche de gouvernement au sein du macronisme, qui incarne un « système UMPS » que Le Pen prétendait dénoncer. Les « barrages républicains », qui n’étaient que l’expression de l’accord politique fondamental entre la droite et la gauche, ont eu l’effet inverse du but affiché durant des années et se sont naturellement effondrés. Avec 89 députés à l’Assemblée d’un côté et la prise de confiance de groupes fascistes et fascisants minoritaires et violents de l’autre, que le succès électoral et les moyens financiers et matériels supplémentaires qu’il donne ne peuvent manquer d’encourager, l’extrême droite dispose de moyens considérables pour son développement futur. Son programme nationaliste, raciste, socialement réactionnaire derrière la démagogie, repris par tous les gouvernements depuis quarante ans, y compris ceux de gauche, contamine les esprits dans toutes les couches sociales, notamment dans le monde du travail. La surenchère nauséabonde incarnée par Zemmour, implante l’idée pogromiste de « grand remplacement » dans le débat public, pendant que les gouvernements se disant plus « républicains » (de gauche, de droite ou du centre) ferment les frontières de l’Europe forteresse au prix de milliers de morts en Méditerranée. La lutte contre l’extrême droite ne sera pas menée par les appareils de la gauche de gouvernement (PS, PC, EELV), qui sont les principaux responsables de sa montée par leur participation aux politiques anti-sociales, ni par ceux qui se réclament de cette même filiation de gauche gouvernementale (LFI) et qui, au-delà du discours, s’adaptent loyalement à la gestion du système, comme le montre la gestion d’exécutifs locaux. Rappelons qu’aucun de ces partis « de gauche » ne défend plus une politique internationaliste d’ouverture des frontières, ni de régularisation immédiate et de vie digne pour tous et toutes les sans-papiers. La montée de l’extrême droite est le symptôme d’une situation globale de poursuite de l’offensive patronale dans les multiples crises du capitalisme. En finir pour de bon avec l’extrême droite, c’est renverser ce système : c’est le communisme ou la barbarie. Nous devons donc renforcer l’implantation dans le monde du travail d’un courant d’extrême gauche révolutionnaire, seul porteur de cette alternative. Cela ne nous exonère pas de contester l’influence des idées d’extrême droite, maintenant, avant tout dans la fraction du monde du travail qui y est sensible. Cela veut dire prendre au sérieux la centralité de la lutte idéologique qui nécessite de démasquer, derrière les envolées populistes, le caractère pro-patronal de cette démagogie, tout en combattant fermement et explicitement les préjugés réactionnaires (racistes, sexistes, anti-LGBTI) qu’elle charrie et qui ne peuvent que diviser la classe ouvrière. Et également de se préparer à des situations d’affrontement face à l’extrême droite. Sans penser qu’une remontée des luttes permettrait automatiquement de contrer l’extrême droite, elle serait néanmoins un point d’appui. Les mobilisations joueront un rôle central pour réduire le poids de l’extrême droite au sein de notre camp, même si celle-ci pourrait tenter d’en canaliser certaines ou au contraire (et plus vraisemblablement), de lever des bataillons réactionnaires en opposition (anti-grève, anti- « gauche », anti-« woke »…).

Dans un contexte de luttes, l’existence d’organisations révolutionnaires capables de saisir l’occasion de s’y exprimer sur un terrain politique, voire d’y jouer un rôle prépondérant dans certains secteurs, serait favorable au développement de nos idées. Car ce sont les luttes collectives qui seront seules de nature à redonner confiance aux travailleurs et aux travailleuses dans les idées émancipatrices, dans la force du monde du travail et dans la nécessité de s’organiser et de se coordonner. Sur des objectifs précis et portés par la lutte, nous serons toujours pour l’unité d’action pour faire grandir le rapport de forces. Une préoccupation de « front unique » peut nous amener à chercher des alliances avec tout ou partie des organisations, militants, militantes ou sympathisants et sympathisantes de « gauche », « réformiste » ou pas, à condition que ces cadres d’alliance nous laissent toute liberté de propagande et d’intervention à l’égard de nos alliés temporaires. Car c’est aussi cette propagande, nos idées et notre liberté de les porter et d’en discuter, sur nos lieux de travail ou dans nos quartiers, qui seront déterminantes dans la manière que nous aurons de combattre l’extrême droite et les venins qu’elle propage, y compris dans la classe ouvrière.

3. Gauche « radicale » ou pas, toujours institutionnelle

L’année 2022 a aussi vu la renaissance électorale d’une « gauche », menacée de disparition pure et simple après son dernier passage calamiteux au pouvoir sous Hollande, permettant à cette gauche institutionnelle de sauver, voire de reprendre des sièges à l’Assemblée, en se présentant indépendamment de la mouvance présidentielle. Il faut néanmoins distinguer la poussée pour Mélenchon à la présidentielle, qui s’explique par la volonté de nombreux électeurs et électrices d’éviter le duel annoncé entre Macron et Le Pen, et la constitution de la Nupes dans une campagne législative atone marquée par une abstention record (encore plus importante qu’à la présidentielle), l’absence de progression de la gauche prise dans son ensemble et la percée de l’extrême droite. La Nupes, nouvelle mouture d’union de la gauche, n’a pas réussi ni à mobiliser les électeurs et électrices de Mélenchon du premier tour de la présidentielle, ni démontré la moindre volonté de sortir des sentiers battus institutionnels et des couloirs de l’Assemblée. En faire, comme l’écrit le « regroupement 3-4 octobre », un « vote d’autodéfense de classe » et « l’expression d’une volonté de rupture avec le néolibéralisme » est doublement faux.

D’une part, le monde du travail s’est retrouvé éclaté en trois blocs dans ces élections (sans parler des travailleurs et travailleuses étrangers et étrangères qui ne peuvent pas y participer) : d’abord l’abstention, puis le RN et ensuite la Nupes, dans cet ordre. D’autre part, loin d’incarner une quelconque volonté de rupture, il s’agit plutôt du recentrage d’un Mélenchon, qui a parfois su jouer avec des formules radicales, pour désormais se présenter en chef de file d’une future gauche de gouvernement. La campagne menée avec le PS, le PCF et les Verts, dont des ministres de Hollande, sous le slogan « Mélenchon Premier ministre », avait le mérite d’une certaine clarté de ce point de vue. Cette percée électorale de la FI et le rééquilibrage au sein de la « gauche » institutionnelle au profit de la FI, ne changent pas notre objectif fondamental qui est de construire des organisations indépendantes de la bourgeoisie mais aussi de toutes les nuances de la « gauche institutionnelle », dont la FI. Nous pensons que la situation le permet. Préserver notre indépendance de classe politique et organisationnelle ne veut pas dire cultiver notre isolement, c’est même tout le contraire : c’est « marcher séparément, mais frapper ensemble ». « Frapper ensemble » sur toutes les questions qui permettent à notre camp de se mettre en mouvement, mais « marcher séparément » car il faut développer nos perspectives révolutionnaires qui sont à l’opposé des impasses institutionnelles portées par la Nupes et la FI. Mener cette politique, c’est le meilleur moyen de s’adresser aux militantes et militants de la gauche institutionnelle.

4. L’appel au vote pour la Nupes, une erreur…

Dans ce cadre politique, il était indispensable que le NPA présente un candidat à la présidentielle de manière indépendante. La réussite des meetings de Philippe Poutou, le flux de recrutement militant que la campagne a permis malgré notre faible score, montrent que nos idées ont une portée au-delà de nos rangs. Les divergences au sein du NPA, qui n’ont pas disparu, n’ont pas empêché que les militants et militantes de tous les courants qui défendaient l’apparition politique indépendante du NPA mènent une campagne qui a bénéficié à tout le parti. Pourtant, aux législatives, le NPA n’a quasiment pas présenté de candidats et candidates sous ses propres couleurs, et la majorité de la direction a décidé d’appeler à voter Nupes presque partout. Ces choix sont pour nous une faute politique majeure : cela a brouillé notre image d’indépendance vis-à-vis de la gauche institutionnelle, en installant le NPA comme cinquième roue du carrosse Nupes. Quant à l’éventuel « afflux » de militants et militantes auquel cette « tactique » aurait permis de s’adresser, on le cherche encore. Les appels du regroupement des 3-4 octobre à fonder des « parlements populaires », alors que la Nupes même n’en veut pas, sont vains, voire ridicules. Quelle erreur de la part de ces camarades, que de continuer à prétendre, contre l’évidence, que « LFI polarise l’essentiel des militant·es les plus à même de construire un projet émancipateur, anticapitaliste, que ce soit dans la jeunesse, les quartiers populaires, les mouvements sociaux » ! Surtout quand, dans le même texte, les camarades ajoutent que « Le NPA est un échec » au point qu’il « peut devenir un obstacle à la construction de l’organisation révolutionnaire dont nous avons besoin. » Camarades rédacteurs du « comité d’animation des 3-4 octobre », si la FI est peuplée de militants et militantes jeunes, implantés et anticapitalistes, et qu’à l’inverse le NPA est un obstacle, quelles conclusions voulez-vous que votre lecteur ou lectrice en tire ?

5. Pour que l’histoire ne se répète pas

Il ne s’agit pas seulement d’une discussion tactique à propos d’une élection passée. Macron a rappelé récemment qu’il n’hésiterait pas à dissoudre l’Assemblée si son projet de loi sur les retraites entraînait le vote d’une motion de censure. Le RN attend cela avec une impatience à peine contenue, de même que la Nupes, et surtout la FI en son sein, dont toute la politique consiste à se préparer à de nouvelles élections. La carte « dissolution » est donc envisagée comme un dérivatif en cas de contestation d’une mesure impopulaire comme la réforme des retraites. Il est vital de défendre le rapport de force dans la rue et par la grève, pour s’opposer aux projets patronaux, à rebours des illusions électorales. Qui d’autre le fera si ce ne sont les révolutionnaires ? Cela implique de refuser de s’allier de manière durable sur un programme politique avec les organisations de la gauche électoraliste et à vocation gouvernementale réunies dans la Nupes, et, en cas de nouvelles élections, de ne pas rééditer la disparition politique derrière la FI. Dans ce contexte, les échanges, l’unité même ponctuelle des révolutionnaires ne peut être une tâche laissée pour des temps meilleurs : il faut en particulier saisir toutes les occasions pour nous adresser à Lutte ouvrière pour des campagnes politiques sur nos axes révolutionnaires partagés.

6. Sortir des logiques institutionnelles : c’est nous qui travaillons, c’est nous qui décidons !

Aujourd’hui, la Nupes est à la peine. Le PCF tente de faire cavalier seul pour exister en usant d’une démagogie réactionnaire, le PS et les Verts règlent des comptes en interne en attendant les prochaines élections (européennes). La FI joue principalement le jeu institutionnel de l’Assemblée, au travers par exemple de la présidence de la Commission des finances…
Sur le plan politique, Mélenchon et la FI ont emboîté le pas au PS pour présenter une « taxe sur les superprofits » comme l’objectif principal de cette rentrée. Au-delà de la manœuvre dilatoire d’un hypothétique référendum face à une inflation qui galope, c’est l’objectif politique même qui est problématique. En effet, certains groupes comme Total se gavent de surprofits circonstanciels, en pratiquant des tarifs prohibitifs y compris pour d’autres industriels (on pense aux verreries qui mettent leurs ouvriers au chômage partiel, même s’il y a aussi de leur côté un effet d’aubaine). L’État peut choisir d’y remédier en taxant les uns pour reverser aux autres… Sans que la situation du monde du travail soit améliorée (attention à cette « autre répartition des richesses »… entre riches eux-mêmes !). C’est pourquoi, nous ne distinguons pas les profits des « superprofits », surtout si les seconds légitiment les premiers. Défendre seulement la répartition des richesses, c’est ne pas poser la question de qui doit décider, c’est laisser les patrons garder le contrôle du gâteau, alors que les prolétaires doivent le leur reprendre en entier. Voilà pourquoi nous défendons la perspective de l’expropriation des capitalistes.

7. Que la colère devienne conscience politique

Face à l’inflation, orienter la colère dans le sens d’une taxe, c’est l’enfermer dans un débat institutionnel. La meilleure façon de taxer les profits, c’est d’augmenter les salaires. En ce sens la grève chez Total remet au centre l’arme des travailleurs et travailleuses, à savoir la grève et le blocage de l’économie. À ce stade, et grâce à la colère montante, on est passé des grèves isolées où le patronat imposait des primes pour essayer de déminer la situation au blocage et assèchement des pompes à essence. Une des nouveautés de cette mobilisation des ouvriers et ouvrières c’est qu’ils et elles ne se contentent pas de revendiquer des primes, mais demandent des augmentations de salaires, comme on l’a également vu lors de la vague de débrayages sur les différents sites de PSA/Stellantis. En ce sens, le programme que nous avons notamment décliné durant la campagne présidentielle, montre toute son actualité : articuler les revendications salariales, d’interdiction des licenciements et de suppressions de postes avec le contrôle des travailleurs et travailleuses sur la marche de la société, en indiquant la voie des luttes et des mobilisations, la nécessité de construire un mouvement d’ensemble et de généraliser les grèves… Comment faire pour que la colère, qu’on constate, s’exprime dans les luttes et devienne conscience politique ? Il faudrait certainement partir d’une campagne politique du NPA, qu’on proposerait largement, sur les mots d’ordre de dénonciation des capitalistes profiteurs de crise, d’augmentation des salaires qui permettent de rattraper ce que nous avons perdu depuis des décennies : + 400 euros nets et pas un salaire en dessous de 2000 euros nets. Les salaires doivent suivre l’augmentation des prix. Pour imposer ces mesures, il faudra une grève qui se généralise. Tenter de regrouper des noyaux et réseaux dans les entreprises, dans les quartiers, dans des comités contre la vie chère, en priorisant la mobilisation militante à la base, en se projetant sur chaque conflit qui éclate – et il y en a ! Et si nous nous donnons les moyens de mener cette politique par nos propres forces, en toute indépendance, pourquoi ne pas la proposer aussi à d’autres organisations associatives, syndicales ou politiques de la gauche, qui disent vouloir lutter contre « la vie chère » ? Mais à condition que ce soit pour se tourner vers l’extérieur, s’adresser au monde du travail et à la jeunesse en général, et pas seulement aux quelques-uns qui sont déjà organisés. À condition aussi que les travailleurs et travailleuses en lutte se donnent les moyens d’enlever aux appareils syndicaux leur monopole sur les luttes ouvrières et d’enrayer ainsi leur politique de renoncement et de dialogue social. « Mettre en mouvement notre classe », c’est permettre aux travailleurs et travailleuses d’arracher la direction de leurs luttes aux appareils.

8. Drôle d’« en même temps »…

Le regroupement des 3-4 octobre dit vouloir construire « l’outil révolutionnaire » NPA et « en même temps » une « gauche de combat ». Avec qui construire cet outil mal identifié entre front et parti ?

La confusion est entretenue dans la résolution adoptée au CPN de septembre : « Il y a urgence à sortir du train-train, à débattre et à regrouper les forces militantes, à commencer par celles et ceux qui défendent la transformation révolutionnaire de cette société ou qui voient LFI et l’Union populaire comme une rupture salutaire avec la vieille gauche de gouvernement. » Mais qui défend la révolution et pense en même temps que la LFI est en rupture ? Pas grand monde, si ce n’est les camarades du 3-4 octobre, la direction actuelle du NPA…

« Nous devons aussi nous adresser à d’autres courants, au milieu très large qui souhaite une “gauche de combat”, et présenter nos propositions anticapitalistes et révolutionnaires. » Il est nécessaire de présenter nos propositions anticapitalistes et révolutionnaires à ce « milieu très large », bien entendu ! À condition de ne pas nous contenter de reprendre la formule bien vague et ambiguë de construction d’une « gauche de combat » – mais d’expliquer pourquoi la gauche actuelle refuse d’aller au combat et d’ouvrir des perspectives en ce sens, à l’opposé des impasses institutionnelles. Personne n’empêche personne de « discuter » avec des éléments de cette gauche en mal de recomposition. Mais nous ne pourrons réellement « faire de la politique » qu’à la seule condition que nous soyons capables d’entraîner un certain milieu sur notre orientation (celle des luttes de classe et non des institutions de la bourgeoisie). C’est ainsi que nous pourrons peser sur les militants et militantes organisés de cette gauche et leur proposer d’autres perspectives que les impasses dans lesquelles leurs directions tentent de les enfermer.

C’est sur cette orientation que nous pourrons déployer le NPA, sur tous les terrains politiques : celui des luttes de la jeunesse, des femmes, des luttes LGBTI, sur l’environnement, le climat, la biodiversité, la lutte contre le racisme et les violences policières… En imprimant sur tous ces sujets une marque de classe, un point de vue prolétarien. Car toutes ces tâches sont celles du mouvement révolutionnaire dans son entier. C’est aussi dans la classe ouvrière que toutes ces luttes doivent être menées. Qui d’autre que les militants et militantes révolutionnaires, donc ceux et celles du NPA, peuvent porter dans le monde du travail ces sujets dits « de société », et de fait les imposer à toute la société (sujets que des organisations spécialisées dites « spécifiques » cantonnent à des milieux restreints et souvent petit-bourgeois : médiatiques, universitaires, etc.) ?

Ces tâches politiques de lutte et de propagande contre toutes les oppressions, de même que notre intervention dans les autres luttes du monde du travail, exigent une implantation dans les entreprises, condition aussi pour que nous soyons légitimes, crédibles, entendus et compris. Faute de quoi notre parti risque fort de ne porter ces combats que dans de strictes limites électorales, c’est-à-dire institutionnelles, cadres d’une exploitation capitaliste qui se nourrit de toutes ces oppressions. Voilà ce que signifie pour le NPA, le caractère « central » de la classe ouvrière.

 

PARTIE III – QUEL NPA ?

1. Préserver le NPA, un des partis de l’extrême gauche révolutionnaire en France

La situation internationale comme la situation sociale et politique française, marquées d’un côté par le renforcement de l’arsenal économique, politique et militaire/répressif de la bourgeoisie contre les classes populaires (dont la montée des extrêmes droites), de l’autre par des flambées de colère sociale et politique surgies de ces mêmes classes, mais sans direction politique propre de la classe ouvrière, imposent aux révolutionnaires de chercher par tous les moyens à renforcer leur camp. À faire vivre et croître leurs courants, et pour ce qui nous concerne ici le NPA, qui devrait se donner pour tâche de recruter dans les nouvelles générations de la jeunesse ouvrière et scolarisée, mais aussi parmi les militants, militantes et courants divers, associatifs, syndicalistes, politiques, qui visent à changer le monde par le renversement du capitalisme. Car il en existe, aujourd’hui inorganisés. L’heure n’est pas à la division, mais au contraire à la résistance aux pressions à l’éclatement qu’engendre le désarroi face à des situations difficiles. Il faut regrouper autour des capacités émancipatrices du prolétariat, privilégier la défense de notre programme de renversement du capitalisme, la force de ses idées quand les masses s’en empareront, à la faveur d’explosions à venir. Voilà pourquoi nous militons pour un « bloc de l’extrême gauche », ou « pôle révolutionnaire », d’essence extraparlementaire, même si les politiques électorales dans le cadre du système bourgeois ne sont pas à rejeter, soudé autour d’une longue et riche histoire de convictions et de combats qui lient entre elles ses différentes fractions. Regrouper et resserrer les liens plutôt qu’émietter et isoler. Et ne surtout pas aller vers l’éclatement du NPA – à ce jour et à juste titre toujours considéré, avec Lutte ouvrière, comme un des partis de l’extrême gauche révolutionnaire de France.

2. Un acquis

On ne peut pas prôner l’unité mais ne la chercher que du côté des réformistes, sans combattre pour celle des révolutionnaires, réfractaires à toute forme de pacte avec l’État bourgeois au nom des exploités et des opprimés. Il nous faut donc trouver les moyens de maintenir le NPA au lieu d’envisager de l’amputer d’une partie de ses membres, sous prétexte de « refondation ». Non, le NPA n’est pas un échec ! C’est d’abord un acquis pour notre camp, c’est son explosion qui serait un échec. Le NPA a permis de regrouper dans une même organisation des militants et militantes anticapitalistes et révolutionnaires de traditions différentes, et surtout d’en gagner de nouveaux et nouvelles. Il a servi de référent à des syndicalistes « lutte de classe », des travailleurs et des travailleuses qui se sont mobilisés notamment depuis 2016 avec les grèves contre la loi Travail. Un outil pour partager des expériences et intervenir dans les luttes LGBTI, féministes, antifascistes, écologistes et internationalistes. Sans oublier la jeunesse, comme le montre le renforcement et le renouvellement de son secteur Jeunes. Nous récusons totalement la perspective proposée par des membres de « l’équipe d’animation du regroupement 3-4 octobre » (dans un texte de discussion pour le CPN des 17 et 18 septembre), d’un prochain congrès qui acterait une séparation qui se solderait par l’amputation du NPA de la moitié de ses membres. Il faut au contraire persévérer dans le militantisme commun de regroupement autour d’un programme révolutionnaire, anticapitaliste, qui vise au renversement de l’État bourgeois et à un pouvoir des travailleurs et travailleuses, qui en finisse avec l’exploitation de l’homme par l’homme et la destruction de la nature. Il faut renforcer ce programme où la centralité du combat du prolétariat s’allie à la richesse des combats écologiste, féministe, LGBTI, antiraciste et bien d’autres. Ce qui est le profil que s’est donné le NPA, qu’il faut conserver, même si sa réalisation génère bien des insatisfactions.

3. Les enjeux du prochain congrès

Nous rejetons le « choix » proposé par des camarades de ce « regroupement 3-4 octobre » entre une séparation dite à l’amiable d’avec certaines tendances ou fractions (qui ne sont pas explicitement nommées) ou la suspension des « fractions publiques permanentes » jusqu’au congrès suivant. Et cela, au moment où précisément la direction du parti s’est engagée sur la pente glissante d’un soutien à la Nupes aux dernières législatives, que des camarades ont critiqué explicitement ou ont contesté avec leurs pieds, bien au-delà des seules « fractions ». Défendre l’acquis du NPA ne veut pas dire qu’on se contente de la situation actuelle : nous voulons changer pour l’améliorer, le fonctionnement et l’orientation du NPA. Nous ne voulons pas d’un congrès qui oppose les courants/fractions à la direction actuelle en laissant de côté tous ceux et toutes celles qui revendiquent leur appartenance au NPA et ne se reconnaissent dans aucun courant/fraction, de la majorité ou des minorités. Nous ne voulons pas non plus d’un congrès qui fasse le procès des courants/fractions en esquivant les débats programmatiques et stratégiques. Les enjeux du prochain congrès dépassent ces clivages. L’urgence, c’est de mettre au centre le brassage des expériences, des débats entre les secteurs, les fédérations, les comités, les commissions, entre tous les militants et toutes les militantes du NPA. Notre conception d’un « fonctionnement fondé sur le centralisme démocratique » vers lequel il serait souhaitable d’aller, dans le cadre de la construction du parti révolutionnaire et déjà de l’amélioration du fonctionnement de l’actuel NPA, n’a rien à voir avec une conception qui aboutirait à la limitation des possibilités d’expression ou d’expérimentation de diverses tendances du parti. Ce « droit à l’expérimentation », chaque sensibilité l’a revendiqué et l’a pratiqué, y compris dans la sensibilité majoritaire, dont des porte-parole du NPA. Dans le cas des municipales à Bordeaux ou des Régionales, l’ « expérimentation » consistait d’ailleurs en une politique qui n’avait plus grand-chose à voir avec une politique indépendante, de classe. Le « centralisme démocratique » est une notion qu’il faut manier avec précaution, tant elle a été déformée, tant de coups de force antidémocratiques dans l’histoire du mouvement ouvrier ayant été commis en son nom.

Il faut partir de ce que nous sommes, des points de vue, des expériences et pratiques différentes des uns et des autres, pour aller vers davantage d’échanges et de collaboration, et pour le coup, si l’on parle de « centralisation », davantage de centralisation des activités et des informations. Échanges et centralisation sont d’ailleurs les conditions d’un approfondissement de la démocratie, donnant à chacun et chacune davantage de moyens de juger et débattre de ce qui se fait dans les divers secteurs d’intervention du parti. C’est l’objectif à nous donner, entre militants et militantes révolutionnaires que nous sommes toutes et tous, par-delà nos pratiques ou nos priorités parfois différentes. Et rappelons que si nous avons connu quelques épisodes de divergences de quelque importance sur le terrain, nous nous sommes toujours efforcés, les uns, les unes et les autres, de ne pas en offrir un spectacle ridicule ou dévastateur à l’extérieur. Parce que la compréhension de l’importance du NPA existe entre nous.

4. Pour une direction capable de prendre en compte les minorités

Le NPA doit être capable de rester uni et fonctionner en tenant compte des divergences importantes qui existent en son sein (et au sein de toutes les tendances, y compris celle qui dirige) : sur les questions de l’Ukraine, de l’attitude face à la Nupes, des formes d’auto-organisation à pousser dans les luttes plutôt que de préserver les monopoles syndicaux, comme sur bien d’autres sujets, dont la résistance aux influences qu’on qualifie (parfois abusivement) de « post-modernes ». Ces divergences ne sont pas que d’opinion, elles entraînent des choix politiques différents et parfois concurrents sur le terrain. C’est bien sûr un problème, et personne ne le nie. Mais soulignons que c’est moins un problème pour la tendance qui tient l’essentiel de l’appareil, dont les supports médias et les porte-parole. C’est ce qui justifie aujourd’hui que les tendances/ fractions s’expriment dans des organes de tendance propres, de façon d’ailleurs généralement « positive », exceptionnellement par des tribunes explicitement critiques.

La direction actuelle du NPA, dont la politique n’avait recueilli qu’un peu moins d’une majorité des suffrages au dernier congrès, est certainement dans une position délicate. Il ne lui est pas facile de diriger sans vraie majorité, même si elle conserve un crédit hérité de la vieille tradition de la LCR. La direction qui sortira du prochain congrès doit être capable de prendre en compte les minorités ou la minorité. Le fonctionnement commun au sein d’un même parti dépend évidemment de l’intelligence de la direction, de son respect des minorités, de sa souplesse à négocier les écarts quand ils ne remettent pas en cause les principes révolutionnaires. Sinon elle ne peut, au nom d’on ne sait quel « centralisme démocratique », conforter sa position majoritaire qu’en excluant ou en poussant au départ celles et ceux qui ne seraient pas dans la ligne. Il est de la responsabilité de tous et toutes les camarades du NPA d’œuvrer au contraire à son maintien et son renforcement. En fin de compte, un parti se renforce rarement en s’épurant, moins que jamais dans la période actuelle. Engageons-nous à respecter les résultats du prochain congrès au sein du NPA, à respecter la démocratie interne de l’organisation. Pour notre part, nous continuerons à construire le NPA, et nous souhaitons le faire avec tous et toutes ses membres actuels, quels que soient les résultats des différentes plateformes, y compris si nous sommes minoritaires.

Il n’est pas possible que nous continuions toutes et tous ensemble sans prendre acte que les tendances ou fractions du NPA ne vont pas disparaître par la seule vertu d’un vote au prochain congrès. Les choses sont un peu plus complexes. Depuis sa fondation, le NPA a toujours connu de nombreuses tendances : plus ou moins organisées, plus ou moins permanentes, déclarées ou occultes, ouvertes ou fermées, autofinancées ou pas. L’Étincelle, A&R, Démocratie révolutionnaire existent publiquement. D’autres tendances existent aussi, plus ou moins publiques, à commencer par celles qui subdivisent le regroupement des 3-4 octobre. Ces tendances/fractions sont la conséquence de débats politiques. C’est donc bien sur le fond que nous devons discuter, et non pas chercher en vain à régler ces débats politiques par des mesures administratives. Ces débats politiques, même contradictoires ne sont pas des inconvénients, ils sont aussi un gage de richesse, en tout cas d’ouverture politique.

5. Réarmer le NPA et assumer un programme révolutionnaire

La situation le montre, le clivage « réforme ou révolution » est loin d’être dépassé, il redouble au contraire d’actualité dans un contexte de faillite du capitalisme à assurer le bien-être général, de dérive autoritaire et de renforcement de l’extrême droite. Pour en finir avec le capitalisme, il faut des militantes et militants capables de se poser le problème de sa destruction, capables par leur implantation dans le monde du travail et la jeunesse et par leurs expériences de jouer un rôle dans la lutte des classes. Il faut un parti anticapitaliste et révolutionnaire qui concentre et actualise le meilleur des expériences du mouvement ouvrier. Ce parti se construit avant les périodes de crises révolutionnaires, sur la base d’un programme et d’une implantation dans les entreprises et la jeunesse. Treize ans après la fondation du NPA, la rédaction d’un manifeste pour le parti, qui précise un socle programmatique et stratégique commun serait utile pour clarifier nos discussions. L’atelier du comité exécutif de la dernière université d’été a montré que cela serait possible. Ce travail n’est pas un préalable au nécessaire redéploiement du NPA vers l’extérieur à travers l’intervention dans les luttes et les campagnes politiques, mais il pourrait permettre d’atteindre sinon une « compréhension commune de la période et de nos tâches », au moins une compréhension sans caricature des points de vue différents au sein du NPA.

6. Quel état des lieux ?

Le « ça ne peut plus durer » n’est pas une politique pour l’ensemble du NPA ! Une politique pour l’ensemble du NPA consiste à faire un état des lieux, sur les facteurs de balkanisation du parti, plus généralement sur le fonctionnement du parti à tous les niveaux. Combien de comités (ou autres structures) sont-ils « mono-tendance » par refus d’intégration ou éviction de militants et militantes par la tendance la plus influente – sous forme brutale ou doucereuse ? Combien de comités ont-ils été désertés par cette tendance, parce qu’elle n’y avait pas la majorité ? Combien de « commissions » dites thématiques sont sous l’emprise d’un seul courant ? Que dire du « secteur Jeunes », une partie des forces vives du parti, capable de réunir plus de 200 jeunes à plusieurs occasions, que le gros des camarades du 3-4 octobre désertent, parce qu’ils et elles n’y sont pas majoritaires – de même qu’ils et elles désertent certains secteurs d’entreprise non négligeables ? Les fractions déclarées ne sont certainement pas les seules prétendues « organisations dans l’organisation », coupables des séparations existantes. Mais faut-il acter ces séparations ou plutôt se donner des moyens de les combler ?

Nous devons nous atteler à la tâche d’améliorer le fonctionnement du NPA, ce que veulent toutes et tous les camarades, mais à partir d’un état des lieux sérieux. Affirmer, comme le font des camarades de la direction, que les fractions et tendances les empêcheraient de penser à haute voix et donc d’agir, n’est pas crédible. Cette direction tient – de plus en plus jalousement – les leviers de l’organisation : ses finances, ses locaux, son journal et sa ligne éditoriale, ses porte-parole, ses relations officielles avec les autres partis politiques, pour ne citer que l’essentiel. Et elle serait paralysée ? Ce serait la faute de fractions, qui pourtant font vivre ou contribuent largement à faire vivre des comités, quelques fédérations, quelques branches professionnelles, un secteur jeunes, la vente du journal sur les marchés, la recherche des signatures lors des présidentielles, une partie du SO, un comité de rédaction… entre autres ?
Nous sommes disponibles, avec d’autres, pour améliorer le fonctionnement du parti dans son ensemble, contribuer à la centralisation des informations et des expériences, à l’échange et à la confrontation des idées et des expériences militantes, à une plus étroite collaboration aux tâches centrales du parti, sans sectarisme ni chasses gardées. Nous proposons de nous engager toutes et tous ensemble à l’ouverture de ce chantier.

7. Le NPA appartient à tous ses militants et militantes

Nous voulons que notre plateforme serve à la discussion au sein du NPA, entre des camarades de toutes les tendances/ fractions et des camarades hors tendances et fractions. On ne va pas refaire tout d’un seul coup, du sol au plafond, mais il faut décider à ce congrès de nous engager tous et toutes, à revoir ensemble le fonctionnement du NPA, dans les mois et années qui viennent, en posant les débats politiques pour en faire un parti qui à défaut d’être « le » parti révolutionnaire dont le prolétariat a besoin, serait un véritable outil pour notre classe. Pour cela, il faut une volonté, mais il faut aussi et surtout une méthode, organisationnelle et politique, d’abord et avant tout adaptée à notre but de construction d’un parti des exploités, pour leur émancipation. Il faut que les comités qui sont le socle du parti dans les villes, les quartiers, les entreprises, soient un lieu où des travailleurs et travailleuses plus nombreux et nombreuses, de tous âges et tous types de lieux de travail, trouvent toute leur place. Grosses boîtes et petites boîtes, CDI ou précaires, travailleurs et le plus souvent travailleuses isolés. Et où ils et elles puissent discuter de leur vie quotidienne et de leurs luttes, individuelles et collectives. Où ils et elles puissent aussi discuter de politique, et surtout des perspectives révolutionnaires que devrait porter leur classe, à l’échelle nationale comme internationale.

La classe ouvrière est multiforme, recouvre une infinie variété d’âges, de sexes/genres, de pays d’origine, de métiers et formations, de statuts et degrés de précarité, de types d’entreprises et secteurs, du public ou du privé qu’on a d’ailleurs de plus en plus de mal à distinguer… auxquels il faut ajouter les travailleurs et travailleuses définitivement ou passagèrement privés d’emploi, les retraités. Les comités pourraient se fixer comme tâche prioritaire d’explorer et agréger dans leurs rangs ou autour d’eux le maximum de cette immense richesse humaine. Ainsi pourrions-nous devenir un petit parti du prolétariat dans toute sa diversité : du syndicaliste chez Renault ou à la SNCF, à la vendeuse en CDD chez Décathlon, en passant par la contractuelle dans l’Éducation nationale, la conductrice de bus ou l’aide à domicile…. Autant d’univers à découvrir, à aider à s’organiser pour se défendre, à se former pour le succès des luttes à venir pour changer le monde. Combien avons-nous aujourd’hui dans nos rangs de tels camarades soumis à l’exploitation salariale ? Combien de comités pouvons-nous former autour d’elles et eux ? Combien en plus dans un avenir proche, à raison de quelques efforts communs et volontaristes ? Comment ces comités pourraient-ils et devraient-ils faire remonter régulièrement leurs informations sur ces secteurs ? Comment la presse hebdomadaire devrait-elle s’en faire l’écho, par exemple par une rubrique systématique, dont quelques camarades prendraient la charge ?

Par le truchement d’une CILT, en lien direct avec les organes de direction (CPN et Comité exécutif), en impulsant des CILT locales et des comités de boîtes, les différentes facettes de l’exploitation pourraient être ainsi synthétisées, discutées, pour en retour alimenter toute l’organisation et son milieu par le biais des organes de presses nationaux, locaux et d’entreprise. Avec bien évidemment des remontées sur les discussions politiques dans ces différents milieux, telles qu’elles se mènent par ceux et celles d’« en bas », par rapport aux attaques du gouvernement et du patronat, de la gauche institutionnelle, de la droite et de l’extrême droite, les répercussions de la politique internationale… C’est à partir de là que le parti pourrait décider d’interventions et campagnes d’agitation. Ce serait la première tâche d’un parti qui se veut celui des exploités et opprimés, et qui n’a pas renoncé à ce qu’il appelle dans son jargon « la centralité de la classe ouvrière ».

À partir de ce socle à consolider prioritairement, l’échafaudage du parti pourrait se construire. Les fondations de classe, d’abord. La sève pour ensuite irriguer les nécessaires étages supérieurs qui, aujourd’hui et pour beaucoup, sont des coquilles bien vides, ou des structures qui vivent en vase clos. Fortes des discussions d’une base plus vivante et prolétaire, les actuelles commissions, fondées sur des spécificités thématiques (écologie, économie, international) ou sur des oppressions spécifiques (racisme, oppressions de sexe ou de genre) pourraient prendre corps et alimenter le parti en données et analyses, en formations et discussions – en écho et retours aux questions émanant des comités. La commission formation pourrait se fixer la tâche de planifier les initiatives de formation, et d’épauler si besoin celles existantes ; de concevoir aussi des formations plus basiques d’accueil des nouveaux et nouvelles militants et militantes, de cycle d’initiation au marxisme révolutionnaire. Il faudrait à ce parti une colonne vertébrale, à partir d’une base solide et qui permette de le faire vivre comme un tout – certainement divers mais néanmoins cohérent et solidaire.


Ce qui ne peut plus durer, ce n’est pas l’existence du débat démocratique, même contradictoire, de la diversité de nos expériences, dans un même parti. En revanche, ce qu’il faut fondamentalement modifier et améliorer, c’est l’échange entre nos pratiques, les « retours d’expériences », une réelle centralisation de nos implantations, de nos interventions en lien avec nos débats programmatiques et stratégiques, permettant de discuter et confronter réellement entre nous, quelles que soient nos tendances, nos bilans, succès et échecs respectifs. Les efforts à ce niveau seraient la meilleure issue de notre prochain congrès…

 


 

[Les textes des différentes plateformes du congrès, en PDF à télécharger]