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Annie colère, film de Blandine Lenoir : la lutte pour le droit à l’avortement, une lutte de classes

Film sorti en salle en novembre 2022, proposé actuellement sur la plateforme Arte boutique (4,99 €)

 

 

Annie est ouvrière dans une petite ville de province. Enceinte, elle ne veut pas d’un troisème enfant. Elle pousse la porte du MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception), qui pratique des avortements encore illégaux dans la France de 1973, mais pas clandestins.

Elle découvre des militantes bienveillantes, du milieu médical ou pas, passées ou pas par l’avortement, qui déculpabilisent leur choix, leur expliquent la méthode Karman et sa technique d’aspiration de l’embryon de l’utérus à l’aide d’un canule et d’une pompe à vélo, bien loin des douleurs atroces des aiguilles à tricoter et des curetages barbares sans anesthésie pratiqués en milieu hospitalier quand ces avortements clandestins tournent mal. Elles leur font découvrir un monde, celui de leur corps pour mieux se l’approprier, la contraception et un combat. Les avortements sont gratuits, il leur est demandé un geste financier dans la mesure du possible ou l’engagement d’intégrer le groupe pour aider au combat du côté des femmes.

Annie, plutôt timide, sourit quand on lui parle d’engagement parce qu’elle ne s’imagine pas encore devenir cette femme pleine d’assurance qui fera le choix d’aider d’autres femmes.

C’est la première fois que dans un film on rentre dans ce moment intime qu’est l’avortement : on voit le travail d’équipe militante, un médecin bénévole, homme ou femme, qui mène le geste technique, la parole pour expliquer ce que l’on fait, ce que la femme ressent, la parole voire le chant, les gestes tendres pour apaiser. Toutes ces femmes avortées se sentent soulagées, étonnées que ce soit terminé aussi vite, libérées. Montrer la bienveillance, la convivialité, la tendresse, la solidarité autour de l’avortement encore décrié est en soi un acte militant.

Au travers de l’émancipation d’Annie, c’est le combat féministe du MLAC qui est filmé. Les militantes se battent en son sein pour que l’avortement ne soit pas pratiqué que par des médecins. Les points abordés sont riches comme celui de l’impact négatif de la légalisation de l’avortement de la loi Veil en 1975, légalisation pour laquelle elles se sont battues. Avec la loi Veil, les avortements ne sont plus gratuits, écartant les femmes les plus pauvres, ils ne seront remboursés par la sécurité sociale qu’en 1982. Et la loi Veil sonne le glas du MLAC. Ces femmes se sentent dépossédées de leur combat, du geste qu’elles avaient appris sans être du monde médical, de cette solidarité qu’elles avaient construite, la crainte que les femmes soient de nouveau seules dans des hôpitaux où elles ne seront que patientes ou clientes, la crainte qu’un changement de gouvernement fasse de nouveau avorter cette loi… inquiétudes bien réalistes dans notre société de classes.

Sandrine Alarcon