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Centre postal Paris 11e et 20e : des collecteurs ont imposé l’embauche en CDI de deux jeunes

Vendredi 7 avril, des collègues du service collecte et tri du courrier des 11e et 20e arrondissements de Paris ont imposé collectivement l’embauche en CDI d’un jeune collègue qui travaillait avec eux depuis un an et demi en contrat précaire. Et ont décroché une promesse pour un autre dans le même cas.

Très appréciés de tous, les deux jeunes s’étaient vu signifier deux jours auparavant qu’ils n’auraient pas de CDI alors que ce service tourne déjà au minimum d’effectifs. La direction déclarait vouloir embaucher une vingtaine de CDI dans l’année et personne, chefs d’équipe compris, ne voyaient pourquoi ils n’obtiendraient pas une embauche immédiate. Mais la direction locale tentait de leur imposer un contrat au rabais chez un sous-traitant, Clef Job1, qui met des salariés à disposition de La Poste ou d’autres entreprises demandeuses. Cette proposition incompréhensible a mécontenté tout le monde.

La quasi-totalité du service collecte est donc montée voir la direction en début de vacation, décidée à ne pas commencer le travail tant que l’affaire ne serait pas résolue. Prise par surprise, la direction du centre a commencé par renouveler la proposition de contrats Clef Job, alléguant que les CDI seraient réservés aux facteurs en mixte (régime de travail particulièrement dur avec deux tournées matin et après-midi, pour lequel La Poste a du mal à embaucher durablement !). Cette absurdité a choqué tout le monde : pourquoi ne pas leur signer directement un CDI de La Poste, si les laisser sur la même fonction avec un contrat sous-traitant ne pose pas de problème ?

Confrontée à la détermination des collègues, la direction a finalement dû concéder les embauches en sortant de sa poche une nouvelle condition : devoir passer un « examen », sorte de test psychotechnique récemment mis en place pour accéder au CDI Poste. Un véritable casse-tête qui n’est en rien lié au travail effectué ! L’un d’entre eux l’a passé avec succès, l’autre non. Mais les collègues ne s’en sont pas plus laissé conter. Après avoir attendu de pied ferme les résultats des tests, ils ont obtenu de la direction qu’elle s’engage à faire repasser le fameux test au jeune collègue dans quelques mois. Une absurdité ressentie par tout le monde, mais une victoire quand même.

La solidarité a payé et laissera des traces pour la suite ! Un passage en CDI imposé dans l’après-midi, un autre promis dans quelques mois, voilà une première victoire dont les collègues peuvent être fiers.

Correspondante

 


Comment La Poste contourne les embauches en CDI

Depuis quelques années, La Poste emploie de plus en plus d’intérimaires, qu’elle fait tourner sur les fonctions de facteur, chauffeur, dans les centres de tri et même les guichets. Cela lui « facilite » les suppressions d’emplois à l’occasion des restructurations qu’elle pratique en permanence. Rien qu’en 2022, 10 000 emplois ont été supprimés à La Poste. Cette politique, déjà éprouvée dans le secteur automobile, les hôpitaux publics et bien d’autres secteurs, permet de diviser les travailleurs selon le statut et de maintenir une partie des salariés sur un siège éjectable.

Mais voilà, cela coûterait encore trop cher aux yeux de la direction qui doit payer l’agence d’intérim et la prime de précarité. D’autre part, les intérimaires, assurant bien souvent les postes de travail les plus durs, préfèrent partir plutôt que d’être traités comme des pions pour des salaires de misère. La Poste espère donc les retenir en ayant recours à des CDI GEL (Groupement d’employeurs logistique), autrefois réservés aux petits patrons routiers. De gros employeurs comme Ikea, La Poste ou la Fnac se sont « associés » dans ces groupements qui leur fournissent de la main-d’œuvre à la demande. La petite subtilité, actuellement dans le collimateur de l’inspection du travail, est que ces CDI GEL peuvent combler des postes de travail vacants, contrairement aux contrats d’intérim classiques. Le patronat – à commencer par La Poste – a en effet recours à l’intérim de manière abusive en permanence, mais les employeurs doivent en théorie justifier d’un employé absent ou d’une saison haute pour y avoir recours.

Avec les CDI GEL, point de ces « tracasseries » ! Qui plus est, les salariés ont moins de droits, touchent un salaire plus bas et moins de primes, n’ont pas d’accès aux logements sociaux de La Poste et peuvent être mis à la porte de l’entreprise du jour au lendemain.

Pour se faire du pognon sur notre dos, le patronat a une imagination débordante.

 


 

1 Clef Job est un groupement d’employeurs logistique auquel est associée La Poste. Sur son site web, il se vante de « procurer des solutions concrètes et immédiates […] aux entreprises qui veulent embaucher sans contrainte » !