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Deux secondes d’air qui brûle, de Diaty Diallo

Ed. Points, 2023, 168 p., 6,90 €

 

 

Un an avant les émeutes qui ont explosé en banlieue de Paris après le meurtre de Nahel par la police à Nanterre, Diaty Diallo nous livre son premier roman, prémonitoire.

L’histoire débute sur plusieurs scènes se déroulant simultanément, où l’on suit trois jeunes de la cité. Le premier est à une soirée clandestine dans le sous-sol d’un parking à deux pas du second, qui se trouve à un barbecue (clandestin) avec sa bande de potes. Le troisième fait des tours de cité avec une bécane empruntée à un de ses cousins. Il n’a pas l’âge de la conduire.

On est rapidement plongé dans le quotidien et l’intimité de ces trois personnages à grand renfort de références olfactives, visuelles, tactiles et musicales, grâce à une écriture vive et spontanée. On découvre une autre présence dans la cité, celle de la police, qui stoppe les deux soirées, tire sur Samy sur sa bécane et le tue. S’ensuit le récit poignant et tendu des heures et jours qui suivent la mort du jeune homme.

« …Faut pas nous plier, faut pas nous plier, faut pas nous pourchasser, arrêtez de nous faire courir, faut pas nous tabasser, nous violer, nous flinguer. Faut arrêter s’il vous plaît. On est blasés. »

L’autrice exprime ainsi la rage que peuvent ressentir ces jeunes de quartier qui se font harceler par la police. Ces jeunes qui, afin de profiter de la vie, souvent pauvres et stigmatisés, naviguent à la marge de la légalité, comme se rendre dans un terrain abandonné sur lequel il est interdit d’aller, organiser un barbecue sur un terrain vague, conduire une bécane alors qu’on n’a pas l’âge… Ces jeunes de quartier qui transforment rage en révolte.

Un récit à couper le souffle, qui reste d’une actualité brulante.

Diaty Diallo a vécu entre les Yvelines et la Seine-Saint-Denis. Elle pratique depuis l’adolescence plusieurs formes d’écriture, du blog à la composition de chansons. Ce premier livre est une fiction qui raconte le contexte dans lequel elle a grandi : « Je n’invente rien. Mon père, qui est d’origine malienne, s’est fait contrôler un nombre incalculable de fois. Mon frère, pareil, délit de faciès, etc. Quant à l’intoxication aux gaz lacrymo, je l’ai vécue aussi. J’ai grandi dans ces récits. » (propos recueillis pour une interview dans Les Inrockuptibles).

Marc Laverne