Nouveau Parti anticapitaliste

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Dixième journée nationale de grève et manifestation : rien à négocier, aller jusqu’au retrait !

Dixième journée de grève et de manifestations contre la réforme Macron : moins de monde, moins de grévistes probablement, mais de l’avis quasi général, la détermination des manifestants n’est pas entamée. Avec même des têtes nouvelles. Beaucoup de plus jeunes même si la participation de la jeunesse n’a pas été explosive non plus, ou pas encore, car de plus en plus d’universités et de lycées se mettent en mouvement. Et le niveau de participation reste très élevé, dans une multitude de villes du pays. Presque 100 000 à Paris, selon la préfecture de police. Pas beaucoup moins que la fois précédente. Dans d’autres villes, c’est parfois un tiers en moins, ou deux fois moins, mais encore et toujours beaucoup ! Surtout que les difficultés sont là, tout particulièrement pour faire grève, totaliser souvent dix jours de salaire perdus, ou davantage pour celles et ceux qui sont en reconductible depuis le 7 mars – même si c’est avec quelques reprises partielles du boulot, pour ne pas trop perdre en salaire, pour ne pas se voir sucrer des jours de repos. La grève, et l’idée de la grève générale sont pourtant encore bien là. Et les efforts de structures militantes pour remplir des caisses de grève y encouragent.

Toujours le même dynamisme, dans le monde du travail et chez les jeunes qui se sont joints au mouvement

Toujours la même détermination, la même colère contre une réforme inique. Toujours la même rage contre un président et un gouvernement vomis qui sont passés en force avec un 49.3 qui reste en travers de la gorge, et qui s’arc-boutent sur la défense des possédants. Il suffirait de prélever 2 % sur les grosses fortunes pour payer les quelque 13 à 15 milliards qui manquent prétendument aux caisses de retraite. Oui, il suffirait… mais en bousculant sérieusement ce système dont la logique capitaliste est d’extorquer jusqu’au moindre centime de plus-value, par l’exploitation du travail humain. La conscience politique de la nocivité du système tout entier grandit et alimente la volonté d’aller jusqu’au retrait. Travailleurs, étudiants et lycéens qui les ont rejoints, unis dans un mouvement qui dépasse la simple lutte pour les retraites et met sur la table la survie de ceux qui travaillent, produisent et devraient donc décider démocratiquement de tous les aspects de leur vie collective. Très politique, ce mouvement.

Toujours la rage contre les violences policières

Rage contre la répression des manifestations et des grèves, contre les escouades de flics envoyés pour réquisitionner des raffineurs ou éboueurs, contre des atteintes manifestes et brutales aux droits de manifester et de faire grève. Preuve que l’État et sa police sont bien au service du patronat ! Et la répression sauvage qui a frappé les opposants aux mégabassines le samedi 25 mars (200 blessés et deux personnes au processus vital engagé) a fait monter d’un cran la détestation de Darmanin, qui pourtant persiste et signe en annonçant la dissolution prochaine des Soulèvements de la Terre, l’un des collectifs organisateurs de la manifestation à Sainte-Soline. Même la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe s’alarme d’un « usage excessif de la force » envers les manifestants, appelant la France à respecter le droit de manifester. À Paris, un millier de cheminots se sont rassemblés gare de Lyon, pour exprimer leur émotion et leur indignation qu’un des leurs, militant de Sud-Rail, ait perdu un œil suite à l’éclat d’une grenade de désencerclement lors de la manifestation parisienne de jeudi 23 mars dernier. Pareils rassemblements ont eu lieu dans d’autres villes, contre d’autres brutalités mutilantes. Darmanin continue pourtant à montrer du muscle : pour tenter de décourager de venir manifester, et pour se poser comme l’homme fort qui pourrait être Premier ministre à la place de Borne… à moins que sa nomination soit le prochain faux pas de Macron !

Méfiance face aux appels réitérés de l’intersyndicale à Macron

Certes en soirée, après cette dixième journée nationale de manifestations, l’intersyndicale a appelé à continuer le mouvement, à poursuivre les actions locales et elle a donné rendez-vous pour une onzième journée nationale le jeudi 6 avril. Dans dix jours. À la veille des vacances scolaires de Pâques pour une première zone du pays. Force est de constater que le ton des membres de l’intersyndicale n’était pas à l’unisson de celui des manifestants, pas « déter » comme celui des cortèges. Les idées de négociation et de médiation sont lancées. Ce 29 mars au matin, les médias annoncent que Laurent Berger, de la CFDT, aurait répondu favorablement à l’invitation d’Élisabeth Borne, à discuter la semaine prochaine à Matignon. Les autres confédérations n’auraient encore rien dit. Et ce n’est pas un scoop. Hier déjà, Laurent Berger comme Philippe Martinez (qui était au congrès de la CGT) ont fait connaître leur volonté d’apaisement, de retour au calme, formulée il y a huit jours déjà par l’adhésion de l’intersyndicale aux propositions de « sortie de crise », institutionnelles, de la gauche : appel au Conseil constitutionnel, adhésion à un processus référendaire. Cette orientation s’est confirmée le 28 mars par la demande réitérée par les leaders syndicaux d’être reçus par Macron… un Macron qui une nouvelle fois leur a signifié une fin de non-recevoir, par son porte-parole Véran interposé !

La journée a été marquée par quelques épisodes notables en la matière. Laurent Berger s’est exprimé en ces termes (dont nous restituons les passages les plus significatifs) en direction de Macron, le 28 mars au matin sur France Inter : « Il y a un geste fort à proposer […]. Il faut mettre sur pause ce fameux article 7 sur cette mesure d’âge […], annoncer clairement qu’il n’y aura pas de mise en application de cette réforme et qu’on privilégie une voie de discussion. […] Il faut trouver une voie de sortie […] elle passe par une annonce, on dit pour l’instant on le met de côté […] Moi je fais le pari de l’intelligence collective. Je fais le pari du compromis social. Si on est capable de mettre de côté cette réforme et de dire on rediscute du travail […] et on rediscute de l’équilibre du système de retraite […] Le Conseil constitutionnel, je ne sais pas ce qu’il dira d’ailleurs sur la loi et sur le processus de RIP qui a été lancé par des parlementaires, mais c’est dans 15 jours à trois semaines, c’est long dans ce moment de tension qui est le nôtre, c’est trop long. […] Ce que propose l’intersyndicale aujourd’hui c’est un geste d’apaisement pour trouver une voie de sortie […] Je dis “allez chiche”, si on ne se met pas d’accord dans les six mois, sur la question du travail et sur la question de l’équilibre des retraites, ce n’est pas un gros mot pour la CFDT, allez, revenez aux 64 ans, mais faites la place au compromis social possible. »

Cette initiative en direction d’une médiation, qui pendant un ou deux mois étudierait les moyens de chercher une sortie de crise, une « sortie vers le haut », a été reprise par toute l’intersyndicale, dont Martinez de la CGT. Ce qui lui a valu d’être apostrophé, en plein congrès, par une militante de la fédération de la chimie, Murielle Morand : « Camarade Philippe Martinez, qui t’a donné mandat pour parler de médiation alors que les travailleurs sont dans la rue ? » Intervention largement applaudie sur place et relayée par des médias parce que posant le problème de l’heure : poursuite du bras de fer jusqu’au retrait de la réforme, en passe d’être gagné, ou basculement dans un dialogue social où les travailleurs dépossédés du rapport de force arraché par leur lutte n’auront plus leur mot à dire ? C’est ce qui doit et va se discuter partout sur les multiples lieux de mobilisation, dans les jours qui viennent.

Continuer, jusqu’au retrait

Les dés sont loin d’être jetés. Là-haut on aimerait retrouver le chemin des palabres polies dans les salons, mais dans les entreprises et dans la rue on sait que c’est la grève et la lutte qui sont les seules armes. Le mouvement continue. La mobilisation du 28 mars a été spectaculairement massive, pour une dixième journée et bientôt trois mois de bras de fer. Une nouvelle journée est à l’agenda et des initiatives sont programmées d’ici là. Dans ce mouvement, qui a directement impliqué des millions de travailleurs qui pour beaucoup n’avaient jamais encore manifesté ou fait grève, le rôle d’équipes syndicales ou militantes politiques de terrain a été considérable. Dont celui des militants d’extrême gauche, et dont le nôtre. Nous avons impulsé et organisé de multiples actions et réunions de grévistes et d’interpros, qui ont ponctué le mouvement entre deux journées nationales, qui l’ont fait vivre. Dans la jeunesse, nous avons pris l’initiative d’interfacs et de comités de mobilisation de lycéens, plus largement d’une Coordination nationale étudiante qui appelle à une journée de manifestations jeudi prochain. Dans tous ces cadres, dont de nombreuses assemblées « interpros », nous militons certes avec d’autres, aux côtés et en direction d’un milieu qui s’est politisé, qui n’est pas insensible à nos perspectives révolutionnaires et à notre programme de survie pour les hommes et la planète : « Fin du mois, fin de vie, fin du monde : fin du système capitaliste ! »

Michelle Verdier, le 29 mars 2023