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Erdoğan intensifie la répression pour sauver son régime

Après une brève période d’accalmie et de négociations, en 2013-2014, Erdoğan (au pouvoir depuis 2003, comme premier ministre d’abord puis comme président) a vite repris la répression contre le mouvement autonomiste kurde et les raids militaires au Kurdistan de Turquie. Et il a durci ces dernières années la répression contres tous ses opposants. Contre le HDP (Parti démocratique du peuple) notamment, un parti rassemblant des opposants démocrates de gauche et des militants kurdes, fondé en 2013 après le vaste mouvement de protestation qui avait commencé au parc Taksim d’Istanbul et avait rassemblé contre le régime de l’AKP toute une partie de la jeunesse : agressions ou bombes dans les locaux du parti ou lors de ses meetings, des dizaines de responsables et élus du HDP jetés en prison. Comme se sont retrouvés en prison nombre de journalistes qui avaient osé critiquer le régime, comme ont été destitués la plupart des maires élus dans la région du Kurdistan turc, où les raids militaires et les bombardement se sont multipliés.

Réduire toute opposition pour renouveler son mandat

À quelques mois de la prochaine élection présidentielle, qui doit avoir lieu en juin 2023, le régime d’Erdoğan semble de plus en plus contesté. Y compris peut-être par une fraction de la bourgeoisie d’affaires turque elle-même. Ekrem İmamoğlu, le maire d’Istanbul qui vient d’être condamné, le 14 décembre dernier, à deux ans de prison et à l’inéligibilité pour « insulte envers des responsables », n’est ni un révolutionnaire ni un défenseur de la cause kurde. Il n’est qu’un homme d’affaires qui, membre du parti CHP (Parti républicain du peuple, le vieux parti kémaliste au pouvoir pendant des années) et réputé plus conservateur et religieux que social-démocrate, avait ravi en 2019 à l’AKP d’Erdoğan la mairie d’Istanbul. Il était, surtout, un sérieux concurrent potentiel à Erdogan pour la prochaine présidentielle.

Et du côté de la population pauvre, du monde du travail, c’est surtout la situation économique, avec une inflation galopante, qui soulève le mécontentement. À l’approche des élections, Erdoğan vient d’annoncer une augmentation du salaire minimum de 54,7 %, le portant à 8 506 livres turques (427 euros), soit à peine au-dessus du seuil de faim estimé à 7 786 livres pour une famille de quatre personnes, et bien en dessous du seuil de pauvreté estimé à 25 364 livres. Quant à l’inflation, si le chiffre officiel de 84 % sur un an est déjà largement supérieur à l’augmentation du salaire minimum, il est très loin de la réalité : les prix à la consommation auraient grimpé en un an de plus de 180 % selon un institut universitaire turc.

Le renforcement de la répression, au nom de la prétendu lutte contre le terrorisme reste donc, en plus du fanatisme religieux, la principale arme du dictateur de Turquie pour rester au pouvoir. Les Kurdes de Turquie comme ceux du nord de la Syrie en sont les premières victimes.

À la suite d’un attentat à Istanbul le 13 novembre dernier, qui a fait 6 morts et 80 blessés, et que le gouvernement s’est empressé d’attribuer au PKK et à sa branche syrienne (malgré les dénégations), l’armée turque a lancé l’opération dite « Griffe Épée », une série de bombardements sur des villes du Kurdistan syrien et sur des camps de réfugiés du PKK en Irak. Et le gouvernement turc, dont des troupes occupent déjà une zone au nord de la Syrie, de menacer d’une offensive militaire terrestre au Kurdistan syrien.

Marchandages sur le dos des peuples

L’hypothèse d’une telle offensive terrestre turque au Kurdistan syrien semble pour l’heure écartée : les États-Unis qui craignent une déstabilisation plus grande de la région, la Russie de Poutine qui soutien Bachar Al-Assad et voit d’un mauvais œil les prétentions territoriales d’Erdoğan en Syrie, ont manifesté leur désapprobation. Et c’est sous l’égide de la Russie que des négociations ont débuté, avec une première rencontre le 28 décembre à Moscou des ministres de la défense des deux pays, pour discuter d’un éventuel retrait des troupes turques de Syrie. « Sur le Nord-Ouest syrien [zone revendiquée par la Turquie], les intérêts d’Ankara et de Damas sont opposés. Sur la question kurde, il y a, à l’inverse, une convergence de fond : chacun veut obtenir le démantèlement ou la mise sous contrôle des FDS » [les troupes contrôlées par le parti kurde syrien] explique un expert cité par le journal Le Monde, qui conclut : « On peut s’attendre, sur le court ou moyen terme, à ce que le rapprochement en cours se traduise par une action conjointe contre les FDS. »

Bien difficile de prévoir ce qu’il en sera. Non à l’utilisation, une fois de plus, du peuple kurde comme monnaie d’échange dans des tractations entre brigands impérialistes.

O.B.

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