NPA Révolutionnaires

Nos vies valent plus que leurs profits
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Israël-Palestine : quelles perspectives ?

Bande de Gaza, octobre 2023. Photo : Wafa, APAimages

On reste sans voix devant ce qui est en train de se passer à Gaza. À la barbarie des massacres perpétrés sur le sol israélien par le Hamas le 7 octobre répond, à une toute autre échelle, celle des dirigeants israéliens qui font bombarder indistinctement bâtiments, convois de réfugiés, tuant hommes, femmes, vieillards et enfants.

Une colère contre le gouvernement qui ne va pas (encore ?) jusqu’à demander l’arrêt du massacre

Certains témoignages qui nous parviennent d’Israël reflètent une véritable colère contre le gouvernement de Netanyahou. Vraisemblablement à cause de l’échec du gouvernement à protéger la population israélienne et à se moquer éperdument du sort des otages kidnappés par le Hamas. Mais combien sont-ils à s’inquiéter du sort des Gazaouis ? Ils étaient quelques centaines d’Israéliens à manifester dimanche 29 octobre devant le quartier général de l’armée pour réclamer un cessez-le-feu. Une manifestante interviewée expliquait : « Nous souffrons tous et nous portons le deuil des morts et des otages du 7 octobre, mais nous portons aussi le deuil des innombrables morts à Gaza. Et les gens continuent à mourir encore et encore là-bas, tous les jours. »

Quelques centaines, c’est sans doute peu dans un pays où, il y a seulement un mois, des centaines de milliers de personnes défilaient contre la volonté de Netanyahou de verrouiller l’appareil judiciaire. Des voix s’élèvent, bien sûr, comme dans les colonnes du quotidien Haaretz. Mais, pour l’heure, le fracas des bombes les étouffe.

On peut espérer que les yeux s’ouvriront devant ce que les dirigeants israéliens font subir à la population palestinienne. En 75 ans de colonisation, ils ont réussi à faire de certains de leurs soldats des tueurs qui tirent à bout portant sur des Palestiniens, sur des gosses, et publient fièrement sur les réseaux sociaux les images de leurs crimes. Il serait urgent que les yeux s’ouvrent en Israël sur ce qu’est la réalité de la politique de colonisation. Il faut que cessent les bombardements, il faut arrêter le massacre, il faut faire parvenir aux Gazaouis l’eau, la nourriture, les médicaments dont les dirigeants israéliens les privent depuis des semaines. Sur ces bases, il n’est pas impossible qu’il y ait, demain, un retournement d’une partie de l’opinion israélienne pour tenter de retenir le bras armé de leurs dirigeants et enrayer ce qu’on peut qualifier de nettoyage ethnique qui se poursuit sous nos yeux.

Mais, si manifester pour réclamer l’arrêt du massacre actuel peut fédérer ne serait-ce qu’une petite partie de la population israélienne, cela ne changera rien à la politique qui a conduit à la situation actuelle : celle qui a enfermé près deux millions de Gazaouis dans une prison à ciel ouvert, sous la coupe brutale des bandes militaires du Hamas et de ses affidés et la menace permanente des bombardements israéliens ; celle qui permet à des colons fanatisés de continuer à s’installer impunément sur des terres de Cisjordanie dont les occupants sont expulsés ; celle qui a concentré depuis 75 ans près de cinq millions de Palestiniens dans des camps de réfugiés au Liban, en Syrie ou en Jordanie, sans droits.

En l’absence de perspectives, une situation dont personne ne voit l’issue

Du côté palestinien, des manifestations de colère contre le Hamas, réclamant de meilleures conditions de vie avaient rassemblé des milliers de Gazaouis en juillet dernier, malgré la dictature qui sévit à Gaza. Mais l’heure n’est plus à la contestation du Hamas. Non seulement à Gaza, où la préoccupation principale est d’échapper aux bombes israéliennes et de survivre, mais dans tous les camps palestiniens, comme on a pu le voir dans les reportages, par exemple au camp de Chatila, dont les habitants se disaient fiers des actions du Hamas. En Cisjordanie, la population palestinienne conteste vivement l’Autorité palestinienne, en particulier son chef, Mahmoud Abbas, qui paraît complètement discrédité. Mais le Hamas se retrouve grandi par son action.

L’attaque aveugle du Hamas et la riposte démentielle des dirigeants israéliens ont exacerbé les clivages existants. Au Moyen-Orient comme ici, les dirigeants en profitent pour tenter d’aligner tout le monde derrière leur politique, en s’asseyant sur la liberté d’expression qu’ils se plaisent pourtant à encenser.

La « solution à deux États » est bien morte. Même si elle venait à être plus ou moins ressuscitée par des manœuvres diplomatiques quelconques, elle ne serait susceptible d’assurer qu’une « paix » comme la conçoivent les dirigeants impérialistes : pas trop de bruits d’armes mais, surtout, le silence des peuples. Autant les accords d’Oslo avaient pu faire illusion auprès d’une partie de la population palestinienne, sans doute, à l’époque, du fait de l’aura de Yasser Arafat, autant cela n’aurait aujourd’hui aucun impact sur la conscience des Palestiniens, pas plus que sur celle de la population des pays arabes qui prend fait et cause pour leur sort. Aujourd’hui, tous ont compris que la seule paix que leur offrira l’ordre impérialiste est celle du silence et de la soumission, quand ce n’est pas la paix des cimetières.

Alors, quelles perspectives ?

En Israël, une population qui tarde à s’indigner de ce qui se fait en son nom. Dans le monde arabe, une organisation aussi réactionnaire que le Hamas qui sort grandie et pourrait bien faire des émules. Est-ce à dire que rien d’autre n’est possible ?

Il est certain qu’aucune solution satisfaisante pour les peuples ne peut sortir des mains des dirigeants des puissances impérialistes et de leurs représentants locaux, qu’ils soient à la tête d’Israël ou des autres puissances régionales. Les dirigeants israéliens se sont évertués à creuser toujours plus profondément le fossé de sang entre les populations qu’ils prétendent représenter. De leur côté, les dirigeants palestiniens non seulement n’ont pas lutté pour inverser cette tendance, mais ont eux-mêmes contribué à le creuser. Tout est corrompu par l’affrontement sur les terrains nationalistes ou religieux. Des terrains sur lesquels prolifèrent militarisme et obscurantisme et qui aboutissent tous deux à dresser les peuples les uns contre les autres.

Aujourd’hui comme hier, le problème est posé en ces termes : « un territoire, deux peuples » avec frontières pour enfermer les peuples, et un État pour les contrôler, quand ce n’est pas les museler. Cela a conduit à 75 ans de guerres, d’apartheid, de massacres ; à creuser un fossé sanglant entre des peuples qui, même si ce n’est pas de façon semblable, sont tous les deux victimes de la politique de leurs dirigeants et, en fin de compte, de la politique voulue par les grandes puissances qui se sont succédé à la tête du monde impérialiste. Une seule terre pour deux peuples… à ceci près que l’ensemble correspondant à l’actuel Israël-Palestine comptait deux millions d’habitants en 1947, contre onze aujourd’hui.

Poser aujourd’hui les problèmes en termes de classe n’est guère évident à un moment où les bombes enterrent toutes les nuances, rendant inaudible tout discours autre que belliciste. Mais rappelons-nous que la révolution russe a éclaté au milieu de l’horreur de la Première Guerre mondiale, à un moment où les relations « civilisées » de l’exploitation capitaliste ordinaire avaient laissé place au nationalisme sanguinaire des généraux de tous les pays. Ceux qui continuaient à poser les problèmes en termes de classe et d’internationalisme furent certes très peu nombreux pendant ces années sombres, mais ils ont continué à proposer une politique indépendante pour les travailleurs, à préconiser la fraternisation entre les peuples par-delà des frontières. Sans une telle politique, la révolution russe aurait fini comme tant d’autres révoltes, écrasée dans un bain de sang.

Poser les problèmes en termes de classe et d’internationalisme

Un nombre relativement conséquent de travailleurs juifs israéliens se reconnaissent-ils dans la politique de Netanyahou ? Peut-être. Mais une partie de la classe ouvrière américaine blanche est réputée être « trumpiste », et cela n’a pas empêché les grèves contre la vie chère, dans l’automobile, la santé ou la logistique. Une partie des ouvriers français des petites usines, déçus de la gauche au pouvoir, sont réputés voter pour le RN. Bien que rien ne soit moins sûr, admettons-le un instant. Cela a-t-il empêché l’éclatement du mouvement des Gilets jaunes qui a rapidement mis en avant des revendications sociales, faisant fuir le RN ?

Les travailleurs israéliens, quelle que soit leur origine, sont avant tout des travailleurs. Ils touchent de petits salaires dans un pays où le coût de la vie est élevé, particulièrement le logement, même s’ils ont eu des augmentations ces dernières années. Ils payent un lourd tribut à l’économie de guerre permanente d’Israël, où les budgets consacrés à l’armement sont monstrueux en regard de la taille du pays.

C’est sans doute regrettable, mais il paraît improbable que les travailleurs juifs israéliens s’insurgent demain directement contre la colonisation des terres palestiniennes, l’expulsion de leur maison ou de leur terre de Palestiniens de Jérusalem ou de Cisjordanie. Mais ce sont des travailleurs et, comme tels, ils sont contraints d’engager tôt ou tard le fer contre leurs exploiteurs. Et c’est là qu’ils pourraient se retrouver aux côtés des travailleurs arabes israéliens, chrétiens israéliens et palestiniens. Car il faudra des luttes communes contre un ennemi commun pour commencer à combler le fossé entre Israéliens et Palestiniens. Avant d’envisager de le réduire sur la question de l’avenir de la Palestine ­— à fortiori avant d’envisager de se battre pour un avenir commun autre que celui dicté par l’impérialisme et ses représentants locaux —, il faudra des luttes communes sur des terrains communs. Une telle dynamique pourrait offrir de toutes nouvelles perspectives, au-delà même des frontières d’Israël. Des militants révolutionnaires israéliens comme palestiniens devraient sans doute avancer sur ces deux pistes en même temps, l’une n’allant pas sans l’autre.

Une petite partie des Palestiniens de Gaza, de l’ordre d’une vingtaine de milliers, ainsi que d’autres travailleurs venus de Cisjordanie travaillent en Israël dans le bâtiment, l’agriculture, la restauration et les usines. Il y en a bien moins qu’avant la deuxième Intifada, quand ils représentaient un tiers des Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, mais il en reste 140 000. Ils côtoient des travailleurs juifs israéliens, mais aussi arabes israéliens ou chrétiens israéliens, ainsi que des travailleurs venus de Thaïlande, du Népal, des Philippines1.

Les travailleurs palestiniens occupent bien entendu des emplois précaires et sont soumis à une exploitation d’autant plus féroce que leurs patrons savent qu’ils n’ont, dans les faits, aucun droit. Ils sont obligés de passer de longues heures dans les queues des checkpoints pour aller travailler et refaire la même queue en sens inverse le soir pour rentrer. Pour des salaires bien plus bas que les salaires israéliens. Et la relation qu’ils entretiennent avec les travailleurs israéliens est une relation de subordination.

Cette situation, jointe aux préjugés de nombreux travailleurs israéliens, ne favorise évidemment pas les rapprochements. Mais, même si la précarité subie par les travailleurs palestiniens est encore plus grande qu’ailleurs, c’est dans tous les pays qui font venir des travailleurs immigrés que ces derniers occupent des emplois précaires, peu qualifiés et sous-payés. Les emplois les plus qualifiés sont le plus souvent exercés par des travailleurs du pays d’accueil. Cela n’a pas empêché, dans la France des années 1970 par exemple, les travailleurs immigrés, en particulier les ouvriers spécialisés sur les chaînes de l’industrie automobile, de lancer de grandes grèves, soutenues, parfois même initiées, par des militants syndicalistes français, ouvriers tout à fait qualifiés mais avant tout militants.

Il faut bien entendu le vouloir, une volonté que n’a pas la Histadrout, la principale confédération syndicale israélienne, construite dès le début du XXe siècle comme un pilier du futur État sioniste, rôle qu’elle a joué dès la naissance d’Israël en 1948 et pendant toute la longue période où le Parti travailliste israélien, émanation de la Histadrout à ses débuts, a été au pouvoir. Depuis que la droite a remplacé le Parti travailliste, la Histadrout a perdu de l’influence, mais demeure peut-être un des exemples les plus achevés d’intégration syndicale à l’appareil économique bourgeois et étatique — la Histadrout est propriétaire de nombreuses entreprises, en particulier dans le bâtiment, et les rapports qu’elle entretient à ce titre avec les travailleurs palestiniens sont plus qu’ambigus !

La Histadrout n’est donc certainement pas en elle-même un point d’appui pour que des travailleurs israéliens engagent une politique en direction des travailleurs palestiniens. Mais l’intégration des syndicats est un phénomène général et, en France par exemple, nous l’avons dit plus haut, c’est aussi à travers l’action syndicale que des militants ont réussi à trouver l’oreille de travailleurs immigrés, à aider à l’organisation de leurs luttes, contribuant ainsi à atténuer les divisions avec les travailleurs français.

Peut-être un exemple actuel en Israël. Des milliers de travailleurs gazaouis ont été piégés côté israélien par le déclenchement de la guerre contre Gaza et la fermeture des checkpoints. Leur permis de travail avait immédiatement été révoqué par le gouvernement israélien. Ils ont été arrêtés et enfermés dans un camp, à Ananout semble-t-il. Le gouvernement israélien les a expulsés vers Gaza vendredi 3 novembre dans des conditions que l’un des travailleurs décrit ainsi au correspondant de l’AFP : « La police est rentrée chez nous et nous a emmenés. Ils nous ont mis dans un camp qui ne serait même pas assez décent pour des animaux. » Le Parisien du 3 novembre rapporte la description de leur arrivée au checkpoint : « C’est un flot ininterrompu d’hommes exténués. Ils arrivent par petits groupes, hagards. Certains tombent à genoux de fatigue et tous veulent montrer les stigmates de leur détention en Israël : poignets suppliciés, numéro attaché à la cheville. »

Cela faisait des jours que Shaher Saed, secrétaire général de la Fédération générale palestinienne des syndicats (PGFTU), cité dans un article d’un rédacteur de la revue publiée à Londres Tribune Magazine, Taj Ali, avait alerté : « Nous avons été informés que de nombreux travailleurs sont détenus dans le camp militaire d’Anatout, dans le nord de Jérusalem occupée, dans des conditions dégradantes et inhumaines. La PGFTU exige la libération de nos travailleurs et de prendre des mesures pour garantir leur retour en toute sécurité auprès de leurs familles. Nous lançons un appel à nos collègues et partenaires des syndicats internationaux pour qu’ils soutiennent et soient solidaires des travailleurs afin d’éliminer l’injustice à leur encontre. Nous demandons à la Croix-Rouge internationale de se rendre immédiatement à la prison d’Anatout pour vérifier les conditions de travail de nos travailleurs. »

Fort heureusement, des ONG humanitaires israéliennes sont intervenues. Mais pourquoi cela n’a-t-il pas été le fruit d’une action conjointe des syndicats israéliens ? Ce sont des ouvriers qu’on a arrêtés à la sortie de leur travail ! Ils ne pouvaient de toute façon en aucun cas être tenus pour responsables des attentats du 7 octobre ! Il est clair qu’on ne peut pas compter sur les dirigeants de la Histadrout pour cela. Mais des militants le pourraient au nom ne serait-ce que de leur syndicat de base, et de telles interventions permettraient de faire la démonstration qu’il y a des travailleurs israéliens qui ne soutiennent pas la politique militariste de leur gouvernement, que les classes populaires ne sont pas alignées dans leur ensemble sur la politique belliciste de Netanyahou.

D’une façon plus générale, une vingtaine de syndicats palestiniens viennent de lancer un appel à leurs homologues dans le monde : « Alors qu’Israël intensifie sa campagne militaire, les syndicats palestiniens appellent leurs homologues internationaux et toutes les personnes de conscience à mettre fin à toute forme de complicité avec les crimes d’Israël, en cessant de toute urgence le commerce d’armes avec Israël, ainsi que tout financement et toute recherche militaire. C’est maintenant qu’il faut agir – des vies palestiniennes sont en jeu. » Il aurait été, il serait essentiel que des organisations et syndicats israéliens se mobilisent pour répondre à leur appel sur le terrain.

Il est vrai que, dans l’autre sens, on n’a pas non plus entendu, par exemple, de voix palestinienne appuyer les centaines de milliers de manifestants israéliens contre la volonté de Netanyahou d’aggraver la dépendance de l’appareil judiciaire au gouvernement en place.

Pour l’instant, on ne voit donc personne poser la question palestinienne sur un terrain de classe. Il est clair que des organisations révolutionnaires en Israël seraient les mieux placées pour expliciter comment cela pourrait se faire concrètement. Vu d’ici, nous ignorons trop de choses sur ce que pensent les travailleurs israéliens de toute origine pour pouvoir décrire une politique autrement que dans de très grandes lignes, et encore. Mais se situer sur un terrain de classe et internationaliste est pourtant la seule voie. Seule une lutte commune des travailleurs contre leurs ennemis communs, les capitalistes, permettra de faire tomber certaines barrières et d’envisager la construction d’un avenir en commun.

Le climat qui prévaut actuellement en Israël n’est évidemment pas propice à cela. Mais, objectivement, les éléments sont là. Entre les travailleurs palestiniens et juifs israéliens, il y a de nombreux travailleurs qui peuvent être autant de vecteurs d’un rapprochement, à commencer par les travailleurs qu’on appelle les Arabes israéliens. Ils sont nombreux, implantés de longue date, même si, depuis la première Intifada, un fossé s’est creusé là aussi avec le reste de la population israélienne.

Une politique internationaliste pourrait résonner avec les révoltes populaires partout dans le monde

Un tel rapprochement ouvrirait d’immenses possibilités dans toute la région — et ailleurs ! Qu’on songe que les Palestiniens sont présents dans un très grand nombre de pays arabes, et nous ne parlons pas seulement des camps, mais de ceux qui se sont expatriés : de quelques dizaines de milliers à plusieurs centaines de milliers de Palestiniens sont présents au Pakistan, en Turquie, en Azerbaïdjan, dans les pays du Golfe, en Algérie. Mais aussi dans l’Union européenne, aux États-Unis, au Chili.

La lutte du peuple palestinien avait suscité, dans les années 1970, d’immenses espoirs parmi les peuples des pays arabes — et même bien plus largement. Mais l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) d’Arafat s’était refusée à toute intervention autre que concernant la Palestine proprement dite, un nationalisme étriqué qui s’était retourné contre les Palestiniens quand la plupart des dirigeants des pays arabes s’en étaient pris à eux2.

Le Printemps arabe remonte à 2011. En Syrie, il avait été suivi d’une répression violente. En Égypte, après un épisode où les Frères musulmans ont cherché à instaurer un pouvoir religieux, il a abouti à la mise en place de la dictature du général al-Sissi. En Tunisie, le scénario de la reprise en main a été moins violent mais semblable, et il a abouti à la situation actuelle d’un pouvoir dictatorial qui attise le racisme de la population contre les travailleurs africains. Partout où triomphe l’extrême droite religieuse, une dictature se met en place.

Mais le Printemps arabe avait inauguré une vague révolutionnaire qui ne s’est pas démentie jusqu’à aujourd’hui avec les révoltes au Chili il y a quatre ans, au Liban ou en Algérie il y a trois ans, en Turquie, au Sri Lanka, en Iran l’an dernier mais encore aujourd’hui où la lutte des femmes iraniennes contre l’oppression des mollahs est toujours active. Les mêmes conditions d’exploitation et d’oppressions exacerbées suscitent la colère des classes populaires partout dans le monde. En particulier dans la poudrière du Moyen-Orient et en Afrique du Nord où la population est particulièrement attentive à la situation du peuple palestinien.

La situation internationale serait donc propice à une dimension internationaliste du combat des Palestiniens : les classes populaires du monde entier ont pour ennemi commun les classes possédantes, prêtes à mettre le monde à feu et à sang pour défendre le système capitaliste qui garantit leurs privilèges. Et s’adresser à elles englobe bien sûr les travailleurs israéliens.
Une lutte commune des travailleurs israéliens et palestiniens contre leurs exploiteurs et l’État sioniste qui les représente aurait un impact énorme dans tous les pays arabes, dans tous les pays de la région et au-delà.

Pour le moment, ce qui envahit tous ceux que les massacres perpétrés à Gaza indignent, c’est un sentiment de rage impuissante. Comme à chaque fois que les dirigeants des États livrent les peuples aux chefs des armées et à leurs troupes. Mais, encore une fois, à partir des situations où tout semble n’être que folie meurtrière peuvent naître des situations révolutionnaires. Aujourd’hui, le peuple palestinien meurt sous les bombes à Gaza, est victime de la terreur des colons et de l’armée israélienne en Cisjordanie. Les manifestations massives dans le monde entier montrent que la brutalité de l’intervention israélienne suscite partout l’indignation des classes populaires et un sentiment de solidarité avec les Palestiniens qui cherche à s’exprimer. C’est le moment où jamais d’offrir une réelle perspective de classe et internationaliste. C’est même la seule voie.

Jean-Jacques Franquier

 

 


 

 

Tous les articles du dossier :

 

 

Et aussi sur notre site, retrouvez une sélection de romans, d’essais, de films sur la Palestine et Israël.

 

 

 


 

 

1 Parmi ces derniers, nombreux sont ceux qui, avec le déclenchement de la guerre actuelle, ont préféré rentrer dans leur pays, laissant des milliers d’emplois vacants. Et le Times du 22 octobre dernier rapporte que les autorités israéliennes ont autorisé la venue de 8 000 travailleurs palestiniens de Cisjordanie pour les remplacer.

2 Après Septembre noir, en Jordanie en 1970 — où le roi avait fait tuer de l’ordre de 20 000 réfugiés palestiniens, les autres étant chassés du pays —, les dirigeants du Liban, d’Égypte, du Koweït, de Lybie, d’Irak avaient pris des mesures draconiennes contre les Palestiniens, allant d’interdits en tout genre aux expulsions pures et simples.