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La Chine, puissance internationale capable de rivaliser avec les États-Unis ?

Suite à la venue de la présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, en Californie le 5 avril dernier, les tensions entre la Chine et les États-Unis se sont à nouveau manifestées autour de Taïwan.
La Chine a encerclé Taïwan en déployant bateaux de guerre et avions de chasse, les États-Unis ont répliqué en envoyant leur navire USS Milius dans le détroit de Taïwan et autour des îles Spratleys, également revendiquées par la Chine. Ils ont également entamé leurs entraînements militaires annuels conjoints avec les Philippines, qui ont fait le choix de se rapprocher des États-Unis face à l’expansionnisme de la puissance chinoise.

Taïwan cristallise actuellement les tensions entre la Chine et les États-Unis, après bien des méandres historiques. En 1949, l’armée nationaliste du Kuomintang s’est repliée à Taïwan après la prise du pouvoir par Mao en Chine continentale. C’est Taïwan, sous le nom de république de Chine, qui a occupé le siège de la Chine au Conseil de sécurité de l’ONU jusqu’en 1971, date à laquelle la Chine continentale l’a récupéré au détriment de Taïwan, dans le cadre du réchauffement de ses relations avec les États-Unis. Ceux-ci ont d’un certain point de vue lâché Taïwan, en ne la reconnaissant plus officiellement comme un État indépendant, mais ont gardé tous leurs investissements sur l’île, notamment dans le secteur stratégique de la micro-électronique. Ce qui explique en partie leur soutien face aux revendications de plus en plus pressantes de la Chine continentale. En effet, celle-ci estime que l’île de Taïwan, peuplée de 23 millions d’habitants, est l’une de ses provinces. L’actuel président chinois, Xi Jinping, utilise au maximum cette rhétorique nationaliste pour tenter de faire oublier à la population chinoise le manque de libertés. Une diversion qui n’a pas empêché la dictature chinoise d’être contestée partout en Chine, conséquence de sa politique « zéro Covid ». Dans le cadre de sa propagande nationaliste, le régime continue de promettre la « réunification » de Taïwan à la Chine, par la mise à exécution de sa menace d’envahissement de l’île distante de 130 kilomètres.

Les manœuvres militaires chinoises ont cependant été moins agressives en avril dernier qu’au mois d’août 2022, après la visite de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre américaine des représentants, à Taïwan. Xi Jinping surveille en effet de près le contexte politique taïwanais : des élections doivent avoir lieu en janvier 2024. Elles verront s’affronter le parti de Tsai Ing-wen, le DPP (parti démocrate progressiste), qui considère que Taïwan est de fait indépendante, et compte sur le soutien des États-Unis pour maintenir ce statu quo, et le KMT, le Kuomintang, partisan de bonnes relations avec la Chine. En janvier 2020, l’actuelle présidente Tsai s’était fait réélire en partie grâce aux propos tenus par Xi Jinping un an plus tôt, comparant la situation de Hong Kong et celle de Taïwan. Des propos qui avaient inquiété une partie de l’électorat taïwanais et joué en faveur du DPP. La Chine n’a donc peut-être pas intérêt à trop faire monter la pression vis-à-vis de Taïwan en ce moment. De son côté, dans la perspective de la future campagne électorale, le Kuomintang fait valoir qu’il représente la paix, à travers une possible bonne entente avec la Chine, alors que le DPP représenterait la menace que la guerre éclate, en raison de sa trop forte proximité avec les États-Unis.

Les manœuvres chinoises de l’été 2022 autour de Taïwan avaient également incité la Corée du Sud, le Japon et les Philippines à se rapprocher encore plus des États-Unis voire de l’Otan face aux revendications de la Chine en mer de Chine du Sud, de même que le Quad, coopération diplomatique et militaire entre l’Inde, le Japon, l’Australie et les États-Unis, s’affirme face aux ambitions chinoises.

La rivalité entre la Chine et les États-Unis s’amplifie au fur et à mesure de l’essor économique de la Chine. Reste à savoir dans quelle mesure cette compétition débouchera sur un affrontement militaire, et à quelle échéance. L’armée chinoise est nombreuse et de mieux en mieux équipée, mais elle n’a pas l’expérience d’interventions militaires à l’étranger et les difficultés rencontrées par l’armée russe en Ukraine pourraient refroidir temporairement ses ambitions internationales. Les discours menaçant Taïwan relèvent en grande partie d’objectifs internes, vis-à-vis de la population chinoise. Reste à savoir si le régime de Xi Jinping pourrait vraiment faire le choix de passer à l’acte.

Toutefois la Chine s’affirme de plus en plus comme puissance internationale, voulant concurrencer à terme l’hégémonie américaine. Ainsi, le président brésilien Lula s’est rendu à Shanghaï et à Pékin les 13 et 14 avril derniers, soulignant le rôle que les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) devaient jouer sur la scène internationale. Au sein de ces pays dits émergents, la Chine est un poids lourd économique, en mesure d’affirmer ses choix politiques et de nouer ses propres alliances. Elle a ainsi prudemment soutenu la Russie dans son invasion de l’Ukraine, en refusant toute condamnation de cette guerre et en resserrant ses liens avec l’économie russe, augmentant ses achats de gaz et de pétrole, de même que l’Inde. Récemment, elle a joué avec succès le rôle de médiateur entre l’Iran et l’Arabie saoudite, qui ont rétabli leurs relations diplomatiques.

Dans le contexte de la guerre en Ukraine, les rivalités inter-impérialistes sont exacerbées et nous rappellent que la guerre fait partie de l’horizon capitaliste. En dépit de la montée en puissance de la Chine, les États-Unis restent la puissance dominante et les pays qui se rapprochent de la Chine ou de la Russie veillent aussi à garder de bonnes relations avec l’impérialisme américain, qu’il s’agisse du Brésil, de l’Inde ou de l’Arabie saoudite.

Lydie Grimal, 1er mai 2023