Nouveau Parti anticapitaliste

Nos vies valent plus que leurs profits

Le mirage des accords à la RATP

Au programme du nouvel accord sur le cadre social aux bus et tramways de la RATP : augmentation du temps de travail, dégradation des conditions, le tout dans un contexte d’inflation et de désorganisation du réseau de transport. Ces reculs sociaux contenus dans l’accord n’ont pas empêché l’Unsa et FO1 de le signer et d’en faire la promotion au nom de l’augmentation de salaire accordée en contrepartie. C’est une manière pour la direction de la RATP, qui est très politique, de remettre en selle le rôle de « corps intermédiaires » des syndicats, en tentant d’acheter la paix sociale pour pas cher. Un test grandeur nature en pleine veillée d’armes sur les retraites.

Un accord bien d’accord avec le patronat

Cet accord prévoit une augmentation du temps de travail jusqu’à 120 heures par an, avec la suppression de six jours de congés, l’allongement de l’amplitude des journées jusqu’à 14 heures, des délais de prévenance de 24 heures pour les modifications de planning… En contrepartie, une augmentation de 290 euros net, « historique » d’après les signataires de l’accord, amis de la direction. Sauf que dans ces 290 euros, il y a surtout un « refléchage » de primes qui existaient déjà, l’augmentation réelle se situe plutôt autour de 80 euros ce qui est loin de compenser l’inflation.

L’aspect « donnant-donnant » de cet accord n’est qu’une illusion qui camoufle très mal des reculs bien réels : ces mesures vont dégrader encore les conditions de travail et rendre toujours plus flexibles les chauffeurs de bus et de tram et les ouvriers de maintenance du secteur. Ultime coup de vice : les nouveaux embauchés n’auront pas droit aux augmentations de salaire mais seulement aux nouvelles conditions de travail, sans contrepartie.

Face à l’inflation, faire payer les patrons

L’inflation pose le problème général des salaires. Le patronat sait bien qu’il devra lâcher tôt ou tard quelques augmentations afin que les travailleurs puissent subvenir à minima à leurs besoins pour… revenir travailler le lendemain ! Tôt ou tard, mais le plus tard possible pour engranger une marge de surprofit dans l’intervalle. Après un an et demi de grèves sectorielles sur les salaires face auxquelles la direction s’est contentée de lâcher des primes, l’augmentation du salaire de base devenait incontournable. C’est au nom de cette petite augmentation, qui aurait eu lieu de toute façon, qu’il faudrait accepter de gros reculs sociaux ? C’est la tentative très politique menée par l’ancien Premier ministre et nouveau patron de la RATP, Jean Castex, sous la forme d’une expérience à généraliser.

Un accord politique contre les travailleurs

Ce n’est pas la première tentative de la direction de la Régie d’attaquer les conditions de travail, mais en août 2022 l’accord n’avait pas été signé par les syndicats. Face aux nombreuses luttes qu’ont menées les travailleurs du transport cette année – grèves de conducteurs de bus ou de métro mais aussi des ouvriers des ateliers de maintenance de la Régie où les salaires sont les plus bas – et devant l’approche de la réforme des retraites, la direction de la RATP avait besoin de trouver des complices pour faire passer ses attaques. FO et l’Unsa se sont donc portés volontaires pour se ranger du côté du nouveau patron, censé incarner le renouveau du dialogue social. Même les syndicats non signataires tiennent à saluer la démarche, présentée comme un « dialogue social ». Bertrand Hammache, secrétaire général de la CGT-RATP, n’hésite pas à affirmer que Castex « est quelqu’un qui est plutôt avenant, qui va vers les gens »2. Oui avec les matraques et les lacrymos des CRS ! Les dirigeants syndicaux ont-ils la mémoire si courte qu’ils ont déjà oublié que Jean Castex avait reçu à coups de matraque les ouvriers en grève venus lui demander des comptes le jour de sa prise de fonction ? C’est pourtant une militante de la CGT qui a eu le crâne ouvert lors de ce rassemblement pour les salaires de la maintenance en décembre dernier.

Patrons et gouvernement main dans la main

Le chiffre d’affaires et les profits de la RATP ont encore augmenté (+14 et +13% au premier semestre 2022), grâce à une pression brutale et inédite sur les conditions de travail et au prix de la désorganisation totale des transports parisiens. Cette situation est voulue et calculée, résultat des choix politiques de Valérie Pécresse (Les Républicains) à la tête de la région Île-de-France, appuyés tant par Jean Castex (ancien Premier ministre de Macron) que par le gouvernement et son ministre des Transports, Clément Beaune (Renaissance). Tenter d’opposer les uns aux autres comme le font les directions syndicales qui tressent des lauriers à Castex (merci patron !) et attribuent toute la responsabilité à Valérie Pécresse (façon d’indiquer que la seule perspective serait de voter à gauche aux prochaines régionales) est une supercherie. Ces trois compères se partagent le sale boulot, main dans la main pour faire payer les travailleurs, autant les salariés des transports que les usagers du quotidien, essentiellement des salariés victimes d’une diminution de l’offre proportionnelle à l’augmentation des tarifs.

Une situation qui pourrait bien se retourner contre eux !

Mais les complicités dans les bureaucraties syndicales n’auront peut-être pas l’effet escompté d’endormir la base. Au contraire, cet accord scélérat signé par des « corps intermédiaires » que le gouvernement cherche à remettre en selle, pourrait bien encore plus les discréditer et les disqualifier. Les salariés continuent de se mobiliser dans le secteur comme les TICE (Essonne), à Keolis Porte des Alpes (KPA), ou dans les ateliers de maintenance RATP où les débrayages quotidiens se poursuivent.

C’est dans ces mobilisations, et pas dans les salons de négociation, que le monde du travail trouvera les ressources pour bloquer la réforme des retraites, obtenir des augmentations de salaire et des embauches pour de meilleures conditions de travail.

Marina Kuné

1 Depuis les élections de 2021, FO et l’Unsa sont les deuxième et troisième syndicats au niveau du groupe derrière la CGT et représentent environ 55 % à eux deux.