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Le sionisme, une politique expansionniste à l’origine d’une guerre sans fin

« Nous sommes le peuple de la lumière, eux sont celui des ténèbres » : cette phrase de Netanyahou, prononcée le 25 octobre alors que l’armée israélienne intensifiait ses bombardements sur la bande de Gaza, illustre la rhétorique ultra-nationaliste propre à ce projet politique qu’on appelle le sionisme. Le sionisme, c’est l’idée ségrégationniste de fonder un État juif, d’abord en un lieu qui restait à déterminer avant de choisir de le faire en Palestine, en excluant la population arabe autochtone. Commencé sous la protection de la puissance impérialiste britannique occupante, ce mouvement donnera naissance en 1948 à l’État d’Israël, et engendrera le drame palestinien qu’on connaît aujourd’hui.

Aux origines du sionisme

Les origines du sionisme remontent à la fin du 19e siècle. Les Juifs, dont beaucoup de communautés connaissaient une grande misère, subissaient alors un antisémitisme grandissant en Europe1 avec la multiplication de pogroms en Europe de l’Est. L’antisémitisme se développait en Europe orientale à cause de l’effondrement du système féodal sous l’effet de la pénétration du capitalisme dans cette région. Les réactionnaires utilisaient alors les Juifs pour détourner la colère sociale. À ce moment-là, beaucoup de Juifs révoltés par leur condition rejoignirent le mouvement ouvrier, conscients que leur émancipation était inséparable de la lutte des classes pour le socialisme. En Europe de l’Est, le Bund, l’Union générale des ouvriers juifs de Russie, de Pologne et de Lituanie, organisait plus de 30 000 ouvriers juifs.

En opposition aux partis ouvriers, le sionisme, dont l’un des idéologues principaux a été Theodor Herzl, répondait à l’antisémitisme sur le terrain du nationalisme, en revendiquant un État exclusif pour les Juifs. En Argentine ? En Ouganda ? Le choix de la Palestine a été le produit de longues hésitations, ce qui prouve son caractère davantage politique que religieux. En 1901, lors de son quatrième congrès, le Bund dénonçait cette approche comme « un frein au développement de la conscience de classe » des travailleurs juifs2, parce qu’elle ne permettait pas de lutter contre l’antisémitisme, ce qui supposait de s’attaquer à l’exploitation produisant cette oppression. Bien au contraire : « En revendiquant, non la spécificité, mais l’altérité essentielle de la condition juive ce qui postule l’incompatibilité des nations, [le sionisme] fait siennes les thèses antisémites, fût-ce en inversant les valeurs du racisme antijuif.3 »

Dès leur premier congrès qui eut lieu à Bâle en 1897, les dirigeants sionistes encouragèrent systématiquement la colonisation de la Palestine, dans les kibboutz, ces villages dont les membres étaient considérés comme les pionniers du futur État juif. Le mouvement se dota d’une direction, l’Organisation sioniste, structure internationale regroupant près d’un million de membres dans les années 1930.

Congrès sioniste à Bâle, 1897

Un mouvement qui s’est développé sous la protection de l’impérialisme britannique

L’émigration de Juifs européens en Palestine a progressé après la Première Guerre mondiale et la dislocation de l’empire ottoman, sous la protection du Royaume-Uni, puisqu’en cette époque coloniale il fallait demander l’autorisation aux gouvernements des puissances impérialistes. La « déclaration Balfour » promettait aux sionistes de favoriser l’établissement d’un « foyer national juif ». Le Royaume-Uni cherchait alors à faire du sionisme un outil de la pénétration impérialiste au Proche-Orient.

Certains colons étaient animés d’idéaux socialistes et collectivistes, sans voir que l’établissement de leurs colonies se faisait au mépris des populations arabes. Et il est vrai qu’à ses débuts, le mouvement sioniste était loin d’être homogène. En faisait partie une gauche sioniste qui insistait sur le caractère communautaire du kibboutz, mais qui en réalité, dans ses projets prétendument « socialistes », ne parlait que des rapports sociaux entre Juifs, et excluait les Palestiniens des kibboutz. Parfois, cette gauche, qui fut longtemps à la tête de l’État d’Israël après sa création, berçait les populations arabes en prêchant l’égalité des peuples, mais en réalité, l’action des sionistes, qui se dotaient de structures para-étatiques comme l’Agence juive pour la Palestine, une sorte de pouvoir exécutif, consistait à exclure les Arabes de leurs exploitations pour construire une économie fermée. Ils le faisaient en rachetant légalement les terres aux propriétaires féodaux, grâce au Fonds national juif, propriétaire d’une grande partie des terres aux mains des Juifs. Puis ils en chassaient les fellahs, les paysans pauvres qui y travaillaient. Cela les conduisit parfois à s’opposer à la puissance britannique qui préférait aux ouvriers juifs la force de travail arabe, bien moins onéreuse. Cette promotion du « travail juif » mena à la création en 1920 de l’Histadrout, la Fédération générale des travailleurs de la Terre d’Israël, syndicat à base ethnique qui organisait la ségrégation. Son secrétaire général, David Ben Gourion, plus tard Premier ministre d’Israël, déclarait : « Nous sommes ici pour établir une patrie de travail pour le peuple juif. » Une patrie du travail… et du capital : le sionisme est aussi une arme de classe tournée contre les travailleurs juifs, qui sera utilisée par les patrons pour empêcher des grèves, au nom de l’unité du peuple.

Le résultat de cette politique sioniste fut, bien avant la création de l’État d’Israël, la séparation entre la communauté juive et la communauté arabe, qui n’étaient pas en conflit auparavant puisque les Juifs étaient déjà présents dans la région avant l’arrivée des colons. Le militant trotskiste Tony Cliff, né en 1917 en Palestine, s’en rappelle en ces termes : « Je me souviens qu’en 1945 un café de Tel Aviv fut attaqué et presque entièrement détruit parce que le bruit courait qu’un Arabe y était employé comme plongeur. J’ai aussi le souvenir, lorsque j’étais à l’université hébraïque de Jérusalem entre 1936 et 1939, de manifestations répétées contre le vice-chancelier de l’université, le Dr Magnes. C’était un Juif américain riche et libéral, et son crime était d’être le locataire d’un Arabe.4 »

C’est contre la division des travailleurs que le jeune Parti communiste de Palestine concentra d’abord ses efforts, afin de faire militer des travailleurs juifs et arabes dans une même organisation. Il s’agissait de lutter, à contre-courant, contre l’hostilité générale des colons juifs et contre le chauvinisme croissant des directions féodales du mouvement nationaliste arabe. Le PCP, malgré sa mue stalinienne ultérieure, demeure un exemple de la possibilité de combler le fossé de sang que le mouvement sioniste creuse dès ses débuts entre les peuples. Car les sionistes furent bientôt confrontés aux conséquences de leur politique d’apartheid : ils firent face aux mouvements nationalistes arabes qui voulaient freiner l’immigration juive et lutter contre le rachat de terres agricoles aux propriétaires fonciers féodaux. C’est l’une des raisons de la création de la Haganah, sous l’impulsion du sioniste de droite Vladimir Jabotinsky, puis avec le concours de la gauche sioniste de Ben Gourion. La Haganah était une milice paramilitaire d’autodéfense contre la population arabe. Durant la grande révolte arabe de 1936-1939 qui réclamait l’indépendance et la fin de l’immigration juive, cet ancêtre de l’armée israélienne se renforça en participant directement à la répression des paysans arabes aux côtés des Britanniques.

La naissance dans le sang de l’État d’Israël

La puissance coloniale, qui cherchait cependant à maintenir son mandat en Palestine en jouant sur les divisions ethniques et religieuses, imposa en 1939 des limitations à l’immigration juive. Par ailleurs, les réfugiés juifs étaient de plus en plus nombreux à fuir l’Europe depuis les persécutions dont les Juifs faisaient l’objet et le refus des puissances européennes de les accueillir.

Cette période marqua le début d’une lutte pour la constitution d’un État juif. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la droite sioniste, dotée d’une organisation armée, l’Irgoun, mena une guérilla contre le pouvoir colonial britannique. Mais c’était aussi une politique terroriste contre la population arabe. Les chantiers où coexistaient travailleurs juifs et arabes étaient visés par les bombes des extrémistes. Face aux attentats et à l’immigration clandestine, confrontés à une rivalité croissante de l’impérialisme américain, les Britanniques, dont le mandat s’achevait en mai 1948, commencèrent à retirer leurs 100 000 soldats de Palestine à l’été 1947. Les dirigeants sionistes s’engagèrent dans un nettoyage ethnique en massacrant des villages entiers, comme celui de Deir Yassin le 9 avril 1948. Des villes furent mises à sac, comme à Lydda. Cela provoqua l’exode de 800 000 personnes, la « Nakba », la « catastrophe ». Les sionistes s’approprièrent des terres allant bien au-delà du partage prévu par l’ONU. Une guerre israélo-arabe eut lieu jusqu’en 1949, au terme de laquelle l’Égypte et la Jordanie, défaits, récupérèrent les derniers morceaux de territoire : la bande de Gaza et la Cisjordanie. Tout cela au détriment des Palestiniens qui se retrouvèrent orphelins de territoire, dispersés dans les camps en Égypte, au Liban, en Syrie et en Jordanie, où beaucoup vivent encore aujourd’hui, par centaines de milliers. Cet épisode montre à quel point les États arabes se préoccupent du sort du peuple palestinien, qui n’a rien à en attendre.

Telles sont les fondations sionistes de l’État d’Israël, qui n’a cessé depuis cette date d’imposer sa politique d’apartheid. Dès la déclaration d’indépendance de 1948, la Ligue communiste révolutionnaire de Palestine se dressa contre le chauvinisme extrême divisant la classe ouvrière entre travailleurs juifs et travailleurs arabes5. Ces perspectives d’union sont toujours d’actualité aujourd’hui, alors que la politique sioniste de l’État d’Israël ne s’est jamais démentie, pas même à l’occasion des accords d’Oslo, et se poursuit aujourd’hui encore plus brutalement qu’en 1948 par ce qui s’apparente de plus en plus à un nettoyage ethnique dans la bande de Gaza et en Cisjordanie.

Martin Eraud

 

 


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1 Sur le rôle du capitalisme dans l’oppression des populations juives en Europe, voir les analyses d’Abraham Léon dans La conception matérialiste de la question juive (1942), Paris, Entremonde, 2018.

2 Henri Minczeles, Histoire générale du Bund. Un mouvement révolutionnaire juif, Paris, Austral, 1995.

3 Nathan Weinstock, Le sionisme contre Israël, Paris, Maspero, 1969, p. 57.

4 Tony Cliff, Un monde à gagner, 1998, à lire sur marxists.org : https://www.marxists.org/francais/cliff/1998/umg/index.htm

5 Lire l’éditorial du Kol Ham’amad (La Voix de la Classe) publié en mai 1948, sur marxists.org : https://www.marxists.org/francais/4int/postwar/1948/05/stream.htm