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Loi de programmation militaire : la militarisation à tout-va de l’impérialisme français

Le 20 janvier dernier, Emmanuel Macron, en déplacement à Mont-de-Marsan, a présenté la loi de programmation militaire (LPM) sur la période 2024-2030, en avance d’un an puisque la précédente courrait sur la période 2019-2025.

Alors même qu’en novembre, le gouvernement a annoncé encore 2 000 suppressions de postes dans l’Éducation nationale, que les hôpitaux sont dans un état déplorable avec ses employés sous-payés, le chef de l’État a annoncé le déblocage d’une enveloppe de 413 milliards d’euros pour les armées pour les six années à venir, soit une hausse de 40 % par rapport à la précédente LPM qui était de 295 milliards d’euros. Il s’agit de la plus grosse augmentation du budget militaire depuis le second conflit mondial. « La LPM traduit les efforts du pays en faveur de ses armées » et « ces efforts seront à proportion des dangers, c’est-à-dire considérables », a déclaré le président de la République, lors de ses vœux aux armées. Après les litanies habituelles sur la défense de la « liberté » et de la « démocratie », Macron a bien rappelé ce qui se joue : « notre place dans le monde », le « notre » désignant bien évidemment les intérêts de l’impérialisme français.

L’arme nucléaire reste une arme décisive pour l’affirmation de l’impérialisme

Premier objectif de cette LPM : « consolider notre cœur de souveraineté, c’est-à-dire renforcer notre dissuasion nucléaire. » L’arsenal nucléaire va d’ailleurs concentrer une part importante de la loi de programmation militaire. Avec le retour des « conflits de haute intensité », c’est-à-dire des risques d’affrontements directs entre puissances impérialistes, l’arme nucléaire redevient une arme centrale dans l’affirmation de sa puissance.

Macron a réaffirmé la dimension « européenne » de cette dissuasion nucléaire. Rappelons que, depuis le Brexit, la France reste le seul État de l’Union européenne qui en dispose. C’est ce qui a permis à Macron de jouer sa propre partition dans le conflit inter-impérialiste autour de la guerre en Ukraine, en cherchant à discuter « d’égal à égal » avec Poutine. Sans l’arme nucléaire, la dépendance de l’impérialisme français serait accrue, d’une part à l’égard de la menace russe, mais aussi et surtout à l’égard de l’impérialisme américain. L’arme nucléaire permet également à l’armée française de s’imposer comme une armée de premier rang dans les armées européennes, notamment au moment où l’impérialisme allemand prétend se doter d’une armée conséquente. Le 27 juin 2022, Olaf Scholz, le chancelier allemand, a annoncé vouloir doter l’Allemagne de « la plus grande armée conventionnelle dans le cadre de l’Otan en Europe ». Un bouleversement, alors que, depuis la dernière guerre mondiale, l’impérialisme allemand avait dû renoncer à ses ambitions militaires.

S’affirmer comme une puissance dans le renseignement et la cyberdéfense

Les fonds alloués au renseignement militaire vont augmenter de près de 60 % sur la deuxième partie de la décennie 2020. Les budgets de la direction du Renseignement militaire (DRM) et de la direction du Renseignement et de la Sécurité de la défense (DRSD) seront ainsi doublés. La guerre en Ukraine a montré l’importance du renseignement militaire, avec l’aide décisive des États-Unis qui ont partagé tous leurs renseignements à l’État ukrainien, une aide indispensable dans la contre-­offensive menée par Kiev pour repousser les troupes russes dans le Donbass. En augmentant le budget consacré au renseignement et à la cyberdéfense, la France veut donc s’affirmer également comme une puissance dans ce domaine.

Nouvelle course internationale aux armements

En 2000, les dépenses militaires mondiales étaient de 1 000 milliards de dollars ; elles sont aujourd’hui de 2 000 milliards.

Depuis 2014, les budgets militaires des États européens ont considérablement augmenté : l’Estonie a ainsi quasiment triplé son budget ; l’Allemagne l’a augmenté de 30 %, la France déjà de 20 % avant les dernières annonces… Ces augmentations sont évidemment dues à l’augmentation des tensions dans le monde, encore accrues depuis de début de la guerre en Ukraine ; mais les États européens ont également profité de l’augmentation de leur capacité d’endettement avec les politiques monétaires de la BCE qui ont accru leurs marges de manœuvre après des années d’austérité.

Les États-Unis sont la principale puissance à tirer profit de cette augmentation considérable des budgets militaires, concentrant l’essentiel des commandes. Mais ce sont l’ensemble des industriels qui profitent de la guerre : les carnets de commande de Dassault et autres Safran se remplissent également. Il faut aussi souligner que ce ne sont pas seulement les industriels de l’armement qui s’enrichissent : contrairement au discours maintes fois rabâché sur le fait que les marchés financiers n’aimeraient pas la guerre, l’euphorie boursière continue de plus belle depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Les causes de cette spirale militaire sont donc bien à rechercher dans les fondements de la concurrence économique capitaliste. Comme en 1914, la concurrence entre capitalistes amène à des rivalités inter-impérialistes dont l’exacerbation ne peut se résoudre que par des conflits militaires. Plus que jamais, si nous voulons en finir avec la guerre et les destructions, il est vital de lutter pour en finir avec la société capitaliste.

Aurélien Perenna