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Ne t’arrête pas de courir, de Mathieu Palain

Iconoclaste (Proche), 2023, 422 p., 8,50 €

C’est le récit d’une rencontre entre deux hommes, tous deux nés en 1988, à six mois d’intervalle, dans la même banlieue du sud de Paris, en Essonne. Mais l’un d’eux, Mathieu Palain, qui rêvait d’être footballeur, est devenu journaliste et écrivain, alors que l’autre, Toumany Coulibaly, brillant athlète, est voleur multirécidiviste. Cela lui a valu une quinzaine de condamnations pour vols et cambriolages.

« Le 22 février 2015, quelques heures après avoir remporté le titre de champion de France du 400 mètres, Toumany Coulibaly ne sabre pas le champagne. Il ne fête pas l’événement au restaurant avec sa femme et ses enfants. Non, il pose sa médaille sur la table de la cuisine, attrape une cagoule et rejoint quatre complices pour cambrioler une boutique de téléphones portables. »

C’est en lisant un article dans la presse que Mathieu Palain a découvert le parcours de Coulibaly et a décidé de lui écrire pour lui demander de le rencontrer. Sans réponse pendant un an. Finalement, Toumany Coulibaly prend contact avec Mathieu Palain, qui prend la route du centre de détention de Réau, dans le sud de la région parisienne pour ce qui va être le premier parloir d’une longue série.

Pendant deux ans, quasiment chaque semaine, les deux hommes se rencontrent au parloir et deviennent amis. Toumany raconte sa vie, de cinquième enfant sur les dix-huit de sa famille d’origine malienne. Les vols qui commencent tôt, pour de multiples raisons. Et qui continuent alors qu’il a été « découvert » par le club d’athlétisme de sa ville. Deux récits de vie s’entrecroisent alors car Mathieu Palain nous livre aussi ses réflexions sur lui, sur ses obsessions, dont la prison fait partie. Quels sont les effets de l’enfermement prolongé ? Pour quelles raisons, parmi celles et ceux qui passent par la prison, certains s’en sortent et d’autres pas ? Toumany, lui, continue de s’entraîner en prison et se projette sur l’après.

Mathieu Palain a été formé à Libération et à la revue XXI, admire le travail de Florence Aubenas et fait partie des auteurs qui écrivent le réel, à la première personne. Il est donc impliqué dans son récit et revendique un engagement subjectif.

« Le milieu de la banlieue est un aspirateur à clichés, extrêmement stigmatisé par la presse. Évidemment, quand j’écris dessus, je ne suis pas objectif. J’y ai grandi. Je ne suis pas non plus objectif quand je commence à parler de la prison parce que j’ai une amie d’enfance qui y a passé vingt ans de sa vie, parce que mon oncle y a passé pas mal de temps aussi. » (Entretien avec le journal Les Inrokuptibles en août 2021)

À sa sortie en 2021, le livre a obtenu plusieurs prix littéraires, dont l’Interallié.

Liliane Laffargue