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Ouistreham : le campement de la honte

Il fait 3 °C dans le Calvados en ce lundi matin 27 novembre. Alors que les députés, confortablement installés dans leurs sièges capitonnés de l’Assemblée, examinent le projet de loi « Immigration » de Darmanin, qui rend jaloux le Rassemblement national, les exilés de Ouistreham tentent de se faire un feu avec le peu de bois qu’il leur reste. Sur le campement de fortune, ils sont 230 Soudanais originaires du Darfour occidental, fuyant un nettoyage ethnique dont sont notamment victimes les Zaghawa dont ils font partie. Depuis cet été, les milices du régime tirent sur la population, ne lui laissant pas d’autres choix que de trouver des armes ou de fuir. Les persécutions ethniques n’ont en réalité pas cessé depuis la guerre du Darfour au début des années 2000, mais les violences ont décuplé ces sept derniers mois, dans la plus grande indifférence. Israël et l’Égypte ont des liens avec le pouvoir soudanais et les États-Unis, la France et les autres restent bien timides. La plupart des exilés fuient au Tchad, lequel n’arrive pas à faire face à leurs besoins de soins et de sécurité. Par conséquent, certains prennent le risque de rejoindre l’Europe, notamment la France, voire l’Angleterre où ils espèrent trouver le refuge qui leur manque. La moitié d’entre eux a déposé une demande d’asile en France, mais la procédure Dublin leur met bien des bâtons dans les roues1.

Les États français et anglais responsables de la misère des migrants

Le port de Ouistreham est relié à Portsmouth en Angleterre par des liaisons journalières. Mais, outre-Manche, les lois contre l’immigration « illégale », votées en juillet 2023 au Parlement britannique, font écho aux discours xénophobes dont on nous rebat les oreilles ici en France. Plusieurs accords ont été passés entre les deux pays : moyennant finances, l’État français s’est engagé à empêcher le passage des exilés vers l’Angleterre. Évidemment, il ne veut pas non plus les accueillir, rendant la vie de ces derniers vraiment impossible. Aucun hébergement ne leur est proposé. L’hiver arrive, la pluie tombe déjà dru et les exilés sont toujours en claquettes et dorment dans des tentes, parfois surélevées par des palettes données par des associations du coin. Il a fallu des semaines à ces dernières pour fournir assez de matelas. L’État français comme la mairie de Ouistreham sont hors-la-loi mais persistent et signent.

Le maire de Ouistreham brille par son racisme

Romain Bail, le maire de la ville de Ouistreham, est le fer de lance des politiques de plus en plus racistes de son État. Il avait d’ailleurs apporté son soutien à Éric Zemmour pour les dernières présidentielles. Étant donné la situation catastrophique, en juin dernier le Conseil d’État a fini par condamner la mairie et l’État pour non-respect des droits humains fondamentaux. En juillet, grâce à la mobilisation des collectifs et associations d’aide aux migrants, une décision de justice a ordonné la mise en place de sanitaires dans le campement. Papiers ou pas, l’accès à l’eau est un droit ! Or, non seulement, en ce 27 novembre, les cabines de douche et les sanitaires sont en nombre insuffisant et il n’y a toujours pas d’accès à l’eau chaude, mais le maire a mené une campagne particulièrement dégueulasse auprès de ses administrés pour dénoncer, à coups de chiffres farfelus, l’argent que coûteraient les migrants à la mairie et monter les uns contre les autres. Le 6 octobre dernier, il a ainsi fait distribuer une lettre dénonçant les associations, responsables du fameux « appel d’air » (idée selon laquelle, plus les exilés bénéficieraient d’aide humaine ou sociale, et plus ils chercheraient à venir, comme si la survie pouvait être conditionnée…). Il faut ajouter au tableau une surveillance policière quotidienne. Il est plutôt là, l’argent balancé par les fenêtres ! Mais rien d’étonnant de la part de celui qui avait été condamné en 2019 pour avoir verbalisé abusivement des personnes portant aide aux exilés, puis jugé en 2023 pour avoir tenu des propos racistes lors de l’enquête sur lesdites verbalisations.

Face à l’inhumanité, nous répondons solidarité et liberté de circulation et d’installation

En réaction au mépris du maire, les associations et collectifs ont saisi une nouvelle fois le Conseil d’État jeudi 23 novembre. Le rapporteur public a préconisé la mise en place de sanitaires fonctionnels dans un délai de huit jours avec 1 000 euros de pénalité de retard par jour. Un nouveau désaveu. Mais, les militants n’ont pas attendu le délibéré pour appeler à un rassemblement devant le conseil municipal ce soir, avancé à 17 heures pour éviter un trop grand nombre de participants. Nous étions plusieurs dizaines à venir sous une pluie battante perturber la séance. Un échauffement avant la date du 18 décembre, journée internationale des migrants où des manifestations sont attendues dans tout le pays pour affirmer que les migrants et migrantes sont nos frères et sœurs de classe, persécutés ou cantonnés à la misère dans leur pays. Face à l’impérialisme et aux lois racistes, nous continuerons à opposer une lutte internationaliste.

Correspondantes

 

 

1 Procédure selon laquelle une personne migrante ne peut faire sa demande d’asile que dans un seul État, celui par lequel elle est entrée dans l’Union européenne.