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Pacte enseignant : le diable ne se foule pas trop…

Le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, a enfin accouché son « pacte enseignant » censé « revaloriser » des carrières de moins en moins attractives. Qu’on en juge : alors qu’un enseignant touchait en moyenne en début de carrière 2,3 fois le Smic en 1980, il doit aujourd’hui se contenter de 1,2 fois le Smic. Pas étonnant que les volontaires ne se bousculent pas au portillon. Les réductions horaires des programmes de maths au lycée lors de la réforme précédente, ou de technologie à partir de la rentrée prochaine, sont ainsi d’abord déterminées par la pénurie de candidats aux concours de recrutement. Une pénurie aggravée dans ces disciplines où, à bac + 5, on trouve des jobs autrement plus rémunérateurs et souvent moins pénibles.

Les salaires des enseignants ont subi douze ans de gel quasi ininterrompu du point d’indice, l’élément de base du calcul des salaires des fonctionnaires, aujourd’hui fixé à 4,85 euros. Ce gel a été à peine compensé par une augmentation des coefficients par lesquels on multiplie aux différents échelons de la carrière ce point pour obtenir le salaire de base. Au premier échelon d’un enseignant (de la maternelle au lycée), où la revalorisation précédente s’est concentrée, le coefficient est de 390, donnant un salaire de base de 1 891,5 euros brut, soit environ 1 480 euros net. Après 15 ans de carrière, les payes à 1 900 euros net ne sont pas rares. Sans primes et heures supplémentaires, il vaut mieux ne pas travailler dans une grande agglomération si on veut joindre les deux bouts.

Car parallèlement au blocage des salaires, le ministère a accru considérablement le volume des heures supplémentaires, ce qui lui a permis de détruire des dizaines de milliers de postes. Et si ces heures supplémentaires ont trouvé preneurs, c’est précisément parce que les salaires réels de toute une partie du monde enseignant reculaient. En collège-lycée, le nombre d’heures supplémentaires hebdomadaires qu’un professeur n’a pas le droit de refuser est passé de une à deux… devant élèves, c’est-à-dire en fait entre quatre et six heures en temps de travail réel. Or, le fait d’avoir interdit de refuser ces heures les rend de plus en plus insupportables. Quand toute latitude était laissée aux collègues d’en prendre ou non, la hiérarchie pouvait diviser les salles des profs entre les militants du refus des heures supplémentaires, conscients de la nécessité de les combattre pour défendre les postes, et ceux qui, par goût ou vraie nécessité, courraient après pour maintenir leur niveau de vie. Aujourd’hui, des salles des profs et des maîtres montrent de plus en plus de récriminations contre l’alourdissement de la charge de travail, d’autant qu’en parallèle de ce jeu sur les heures supplémentaires, les réunions et missions de toutes sortes ont elles aussi connu une inflation – sans que la qualité du travail fait avec les élèves, elle, augmente.

Autant dire que le pacte de Pap Ndiaye a tout faux. Sa proposition phare consiste à augmenter de 72 heures annuelles – avec l’annualisation du temps de travail en perspective ? – devant élèves, c’est-à-dire peu ou prou 10 %. En contrepartie, le salaire serait augmenté de… 10 %. Ce n’est donc pas une augmentation de salaire, mais une resucée du sarkozyste « Travailler plus pour gagner à peine plus ». Et même travailler beaucoup plus, puisque qu’au passage certaines tâches, que les enseignants assument certes déjà sans rémunération particulière mais au volontariat, deviendraient obligatoires, sans plus de contrepartie financière.

Il est à espérer que devant une telle arnaque, les enseignants tireront la même conclusion que bien des salariés à qui leurs patrons refusent ne serait-ce que l’indexation des salaires sur l’inflation réelle : il est grand temps de se battre pour de vraies augmentations et pas un salaire en-dessous de 2 000 euros net par mois. Une revendication qui est également dans l’intérêt des usagers de l’école publique : à moins de ça, la qualité du service public risque de se dégrader dans l’éducation, comme c’est déjà le cas dans les hôpitaux.

Mathieu Parant