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Paris brûle-t-il ?

Cette année Emmanuel Macron a choisi comme invité d’honneur aux cérémonies du 14 juillet le Premier ministre indien, Narendra Modi, chef de file du Parti indien du peuple (Bharatiya Janata Party, BJP), le parti d’extrême droite hindouiste responsable de plusieurs pogroms anti-musulmans en Inde, dont la flambée de violence qu’il a orchestrée en mai dernier, dans l’État d’Uttarakhand, au nord du pays, saccageant les commerces tenus par des Indiens musulmans, destinée à les chasser de la région. Mais l’Inde est un si bon client des marchands d’armes français ! Et somme toute la démagogie xénophobe, raciale ou religieuse, n’est-elle pas une forme de gouvernement largement partagée ? Modi ne dépareillera pas aux côtés des quelques généraux et ministres français et du chevalier Emmanuel Macron qui, de la pointe d’une épée que lui tendra un officier supérieur, fera tourner le bouton du gaz (gaz français fourni avec fierté nationale par la société Gaz de Bordeaux) qui grandira pour la durée de la cérémonie la flamme du soldat inconnu.

La flamme ne dépassera pas quelque dizaines de centimètres néanmoins. L’Arc de Triomphe ne brûlera pas. Les ossements qui sont en dessous n’en seront même pas réchauffés. Pauvre pioupiou inconnu, choisi par tirage au sort parmi les ossements des champs de bataille de la guerre de 14-18, tellement bouleversés par les obus qu’on n’a jamais pu savoir si le squelette extrait était français ou allemand, ou le tibia de l’un et le fémur de l’autre. Peu importe, puisque tous sont morts pour la même cause, celle du capital au nom duquel ministres et galonnés de l’époque les ont envoyés par dizaines de milliers à la boucherie.

Pas de feux d’artifice dans les quartiers cette année 2023 : seul l’État y aura droit. Pour 750 000 euros au moins (si on se fie au prix de l’an dernier) et trois ou quatre fois plus pour le défilé militaire. Mais il faudrait, pour les vitrines brisées ou incendiées, prendre sur les allocations familiales des « parents indignes » des jeunes révoltés d’aujourd’hui.
On n’avait pas ces moyens modernes de pression ou de vengeance sur les familles des jeunes artisans du faubourg Saint-Antoine ou portefaix de la place de Grève qui s’en étaient pris, le 14 juillet 1789, à l’un des symboles de l’État, et l’un des pires : cette prison prise d’assaut pour défier le pouvoir et pour libérer quelques-uns des leurs, en « garde à vue » depuis des années pour certains, dans une Bastille aux murs épais de trois mètres.

Mais on avait cependant déjà (même si c’était pour la première fois) des députés, « représentants du peuple » d’une France en ébullition depuis des mois, pour se précipiter le 14 juillet à la mairie dans l’espoir de calmer le jeu, pour courir chez le roi le 15 juillet en lui proposant un compromis, afin de sauver la monarchie faute d’avoir pu sauver sa Bastille. On comprend pourquoi la nouvelle classe possédante, bourgeoise, qui a profité du renversement de la noblesse, a préféré pour anniversaire de la naissance de son pouvoir et pour grand jour de ses parades militaires la date du 14 juillet plutôt que toutes les autres plus sulfureuses de la période révolutionnaire.

Car il en a fallu bien plus : entre autres, une nuit du 4 août, moins d’un mois plus tard, où ce n’étaient pas les banques (encore embryonnaires) mais déjà les châteaux et les droits de propriété qui brûlaient ; un 21 janvier 1793 où l’on fit tomber la tête d’un roi pour que le monde change enfin un peu.

Laissons Macron et Modi parader. Vive les incendies sociaux, ici comme en Inde et ailleurs.

Il nous reste du pain sur la planche.

Olivier Belin