Nouveau Parti anticapitaliste

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Quelques grèves pour les augmentations de salaire depuis le début du mois d’avril

La lutte contre la réforme des retraites entamée en janvier, loin de mettre le combat pour les salaires sous le tapis, lui donne une vigueur nouvelle. Depuis au moins un an et demi, les grèves pour des augmentations de salaire se multiplient. Un peu partout, la machine bien huilée des négociations annuelles obligatoires (NAO), avec ses rencontres patrons-syndicats courues d’avance et tout juste des miettes à la clé alors que les prix flambent, se grippe.

Sans être exhaustifs, loin de là, nous avons relevé, ci-dessous, un petit florilège des luttes en cours ces derniers jours sur les salaires, qui montre l’ampleur du mécontentement social dont Macron et le patronat n’arriveront pas à bout.

Il y a d’abord les grèves démarrées en mars et qui continuent

Dans un entrepôt de VertBaudet (mode pour enfants) près de Lille, la grève entame sa quatrième semaine. Les ouvrières revendiquent une augmentation de 20 %, le patron lui, proposait aux NAO… 0,01 % ! À Genavir, l’armateur de l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer), les navires d’exploration sont en cale sèche depuis vendredi 31 mars. À Toulon et Brest, les travailleurs exigent 7 %.

« Apple présente iGrève »

C’est la banderole que déplient les salariés d’au moins quatre Apple Store à Paris et Lyon lors d’un débrayage de trois heures dans l’après-midi du samedi 1er avril. Les revendications : 7 % d’augmentation, passage à la semaine de 32 heures, plus de visibilité sur les plannings…

Ça bouge dans les transports en commun lundi 3 avril !

Dans le réseau urbain de Narbonne, 90 % des travailleurs sont en grève. C’est à peine moins à Tarbes où la grève avait commencé la semaine précédente. Grève aussi dans le Loiret, cette fois dans le réseau d’autocars Rémi. Chaque fois les grévistes revendiquent 10 %. À Narbonne, la grève est levée le lendemain, après avoir obtenu 5 % et une prime de 150 euros. Mercredi, c’est au tour de 34 des 36 conducteurs de Forbach, en Lorraine, de s’y mettre.

À Toulouse, « journée noire » mardi 11 avril

Pour la première fois depuis 1993, le métro est en grève, en même temps que le tram et la plupart des bus ! Il faut dire que la direction de Tisséo (transports en commun toulousains) et derrière elle Moudenc (maire et président de la métropole) n’ont rien trouvé de mieux que d’annuler la « clause de sauvegarde » qui depuis 2008 assurait une échelle mobile des salaires ! Lors de l’AG des grévistes l’intersyndicale SUD-FNCR-CGT-CFDT promettait d’autres « journées noires »… mais pas avant le 9 mai. Finalement, à la fin d’une AG houleuse, l’intersyndicale a entrainé les grévistes vers le bâtiment de la direction de Tisséo, qui a été envahi contre l’avis de l’intersyndicale… et celle-ci a finalement annoncé que la prochaine « journée noire » serait mardi prochain 18 avril. À suivre donc…

Chez les équipementiers automobiles aussi…

À l’usine ACS France dans les Deux-Sèvres, qui fait des systèmes de vitrage et de toits pour les voitures, 40 % des travailleurs cessent le travail mardi 4 avril. Le lendemain, deux tiers des effectifs sont en grève. La direction lâche une augmentation supérieure à l’inflation (on ne connait pas le montant) et, chose notable, les ouvriers refusent les primes jugées, à juste titre, moins solides que du salaire de base.

Jeudi 6 avril, onzième journée d’action contre la réforme des retraites

Les salariés du bailleur social Presqu’île Habitat à Cherbourg profitent de l’occasion pour entamer une grève sur les salaires et contre le sous-effectif. Ce n’est pas si rare : lors de la dixième journée, le 28 mars, les ouvriers de Gindre Duchavany (métallurgie dans le Nord-Isère) avaient fait de même pour leurs rémunérations.

Le mouvement contre la réforme renforce les grèves pour les salaires… et réciproquement

Quel meilleur symbole de cette évidence que la grève entamée le 30 mars au Sivom Vallée d’Yerres et des Sénarts ? Les éboueurs prennent part de cette façon à la lutte nationale dans laquelle leur profession tient le haut de l’affiche, mais mettent également en avant leurs revendications, en l’occurrence 9 % d’augmentation générale des salaires.

Que les deux mouvements se renforcent, le patronat le sait

La preuve ? Dans d’autres structures de collecte des déchets, les directions concèdent rapidement des augmentations de salaire, pour éteindre l’incendie. Et sur France Inter mardi 4 avril au matin, le premier d’entre eux, le chef du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, rompt le vœu de silence qu’il a contracté début janvier et confesse : « On sent une colère des Français. Si on laisse de côté la retraite, la colère des Français va au-delà. On voit dans les entreprises. On a eu des discussions très compliquées sur les salaires [merci pour l’euphémisme !], parce qu’il y a une inflation qui est forte. »

Et il ajoute, comme pour se rassurer : « Et pourtant, vous n’avez pas vu, ou de manière très marginale, des mouvements de grève dans les entreprises. » Peut-être, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que les patrons essaient d’ôter de leur pied ces nombreuses épines en concédant çà et là des augmentations, qui sont, pour l’instant, souvent tout juste aux alentours de l’inflation, c’est-à-dire à peine suffisantes pour compenser la longue baisse du salaire réel1 . Tant qu’ils n’ont pas encore affaire à un mouvement d’ensemble sur les salaires. Mais ils ne perdent peut-être rien pour attendre !

Bastien Thomas

 

 


 

1 C’est-à-dire le salaire une fois tenu compte de l’augmentation des prix, cette notion étant plus rigoureuse que celle de « pouvoir d’achat » qui peut inclure toutes formes de revenus différents du salaire (allocations, aides…) et qui donc ne représente pas une dépense des capitalistes.