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Une saga moscovite, de Vassili Axionov

Traduction de Lily Denis – Gallimard, 1995, réédition en poche en 2 tomes, en 2000

La vie de l’écrivain Vassili Axionov est un résumé, à elle seule, de l’atrocité et de la tragédie du stalinisme. Il naît en 1932 à Kazan. Ses parents sont déportés en 1937 pour « trotskisme », dans les terribles camps de la Kolyma, une région d’Extrême-Orient au climat très rude, où les prisonniers politiques étaient employés à exploiter les ressources minières. Sa mère était l’autrice Evguénia Guinzbourg (dont Vertiges et Le Ciel de la Kolyma, deux très bons romans sur le goulag !). Vassili est lui-même arrêté par le NKVD comme « fils d’ennemi du peuple ». En 1941, son demi-frère meurt de faim dans Léningrad assiégée par l’armée allemande.

Vassili Axionov publie ses premiers romans dans les années 1960, notamment Oranges du Maroc en 1963, dans lequel il décrit une jeunesse qui s’ennuie dans un pays fermé et isolé, mais qui cherche pourtant à vivre. Rapidement, ses romans sont interdits, et en 1980 il est déchu de la nationalité soviétique et expulsé. Il ne pourra revenir dans son pays qu’après 1991, où il mourra en 2009.

Une Saga moscovite a été publiée en 1994. Ce roman, épais d’environ 1000 pages, décrit la destinée de la famille Gradov, une famille de médecins et d’intellectuels russes. Le roman s’ouvre en 1924. On sort à peine de la terrible période du « communisme de guerre ». Pour pouvoir survivre, le pouvoir soviétique initie une nouvelle politique économique, la NEP, qui réintroduit une certaine dose de libéralisation économique. La flamme révolutionnaire est encore présente dans le pays, ce qui se traduit notamment par une vie intellectuelle et culturelle très riche. Vassili Axionov, grand connaisseur de la littérature russe, et notamment de la poésie et du théâtre, nous décrit à travers l’engagement de Nina, jeune poétesse, l’ébullition artistique qui régnait à l’époque à Moscou. Nikita Gradov, lui, est un jeune général, qui a participé à la répression de Kronstadt, et est hanté par ses souvenirs. Kirill Gradov, quant à lui, s’engage pleinement du côté des staliniens pour pourchasser les trotskistes.

Car très rapidement, l’ébullition révolutionnaire encore présente est peu à peu écrasée par la bureaucratisation. En 1930 commencent les campagnes de « dékoulakisation », qui, sous prétexte de collectivisation des terres, ont entraîné la déportation et la mort de centaines de milliers de paysans. Puis, très rapidement, ce sont les grandes purges staliniennes. Aucun des membres de la famille n’y échappera.

Le roman s’arrête après la mort de Staline, en 1953. Avec une verve toute particulière, Axionov nous décrit de façon saisissante la brutalité et l’horreur de la bureaucratie stalinienne. Car si le roman s’attelle à une des périodes les plus sombres de l’histoire du XXe siècle, la terrible dégénérescence du pouvoir soviétique, Axionov sait toujours garder une certaine légèreté et une certaine fantaisie dans son écriture.

Un roman long, mais à lire absolument.

Aurélien Pérenna