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T., ouvrière dans une usine Ford de Chicago, répond à nos questions

T – Mon usine n’est pas encore en grève. En ce moment, il y a une usine de chacune des trois grandes compagnies qui est en grève. Il se dit que notre usine serait l’une des prochaines à débrayer si la direction ne se rapproche pas de nos revendications.

NPA – Quelles sont les raisons de la grève ?

T – La raison de la grève est que l’industrie automobile a réalisé des bénéfices records au cours des treize dernières années. À l’occasion de la crise de 2009, un accord avait été conclu entre le syndicat et l’entreprise pour renoncer à certaines choses (allocation de vie chère, pensions, augmentations de salaire, soins de santé pour les retraités, pour n’en citer que quelques-unes) afin que l’entreprise puisse se maintenir à flot. Inutile de dire qu’ils n’ont jamais rendu ce qu’ils avaient pris lorsqu’ils ont recommencé à faire des bénéfices. Nous nous battons pour tout ce que nous avons perdu au fil des ans. Nous nous battons également pour avoir plus de temps libre afin de pouvoir passer du temps avec nos familles et pour la sécurité de l’emploi avec la transition vers les véhicules électriques, ainsi que pour l’augmentation des pensions actuelles. En bref, nous nous battons pour que « le rêve américain » revienne !

NPA – Où en est la grève dans ton usine ?

T – Il n’y a que trois usines en grève en ce moment, mais, pour la première fois, il y a une usine en grève en même temps chez chacun des trois grands constructeurs.
La grève a commencé jeudi/vendredi matin, mais mon usine n’a pas encore fait grève. Personnellement, je n’ai jamais fait grève, en fait personne dans mon usine n’a jamais fait grève (chez Ford du moins, je suis sûre que certains ont déjà fait grève dans d’autres entreprises). Dans l’ensemble de l’UAW, nous avons voté à 97 % pour la grève, dans mon usine, c’était même 97,5 %. Bien sûr, personne ne souhaite vraiment faire grève, mais nous sommes prêts à la faire si c’est ce qu’il faut pour que nous obtenions notre juste part.

NPA – Comment préparez-vous la grève ?

T – Comme vous avez pu le constater quand vous êtes venus dans notre local, nous prenons toutes les mesures possibles pour que nos membres soient prêts, mais, encore une fois, ce n’est pas une chose à laquelle on peut vraiment se préparer. Pour la plupart d’entre nous, il s’agit d’un territoire inconnu et je travaille pour Ford depuis près de treize ans.

NPA – Peux-tu nous parler de tes conditions de travail ?

T – Notre usine emploie environ 5 500 personnes. Nous construisons la Ford Explorer et la Lincoln Aviator. Je travaille sur un poste où je dois connaître toutes les tâches du domaine dans lequel je travaille.

Quand j’ai commencé, on nous demandait de travailler dix heures par jour et huit heures un samedi sur deux. Aujourd’hui, on nous demande 10 h 42, tous les jours. Nous travaillons en trois équipes : l’équipe A du lundi au jeudi de 5 h 30 à 16 h 42, l’équipe B du mardi au vendredi de 17 h 30 à 4 h 42 et l’équipe C le dimanche et le lundi de nuit de 17 h 30 à 4 h 42 et le vendredi et le samedi de jour de 5 h 30 à 16 h 42. Ce sont les heures de début dans les départements de peinture et de carrosserie ; en sellerie et aux châssis, ils commencent à 6 heures et finissent à 17 h 12.

La direction peut aussi imposer des journées obligatoires le samedi soir ou le dimanche matin (si les journées sont rendues obligatoires parce qu’ils n’ont pas eu assez de volontaires, ils ne peuvent pas nous faire travailler plus de 10 heures). Ils peuvent aussi nous forcer à travailler 11 heures 30 s’il y a une seule panne qui dure plus de 4 heures. Nous avons parfois l’impression qu’ils nous font travailler 11 heures 30 même s’il n’y a pas eu une panne de 4 heures : mais, si la durée était proche, le syndicat donnait son accord et nous disait d’être contents d’avoir des heures supplémentaires…

NPA – Qu’est-ce que vous espérez de la grève ?

T – J’espère que nous obtiendrons notre juste part en termes de bénéfices et de prestations de retraite ! Dans l’état actuel des choses, si je veux prendre ma retraite, je n’ai qu’à démissionner. Le travail que nous effectuons dans ces usines d’assemblage nous abîme le corps. Alors, je pense que ce ne serait que justice que nous soyons toujours couverts par leur assurance pour nos soins de santé après notre départ à la retraite, car c’est à cause d’eux que nos corps sont aussi abîmés. Je pense également qu’une pension est importante pour la même raison, la plupart d’entre nous sont tellement abîmés physiquement qu’ils ne seraient plus capables de travailler après Ford et nous ne devrions pas avoir à le faire. Une partie du « rêve américain » est d’avoir une bonne qualité de vie après avoir travaillé pendant 30 ans et d’être encore capable de subvenir à ses besoins après la retraite.
 


 

 

 

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