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Trois jours de lutte dans une école de travail social en Isère : « C’est nous qui étudions et travaillons, c’est nous qui décidons ! »

Mercredi 15 mars 2023, journée nationale de mobilisation contre la réforme des retraites, un piquet de grève accompagné d’un barrage filtrant était mis en place devant le centre de formation en travail social Ocellia à Échirolles (38) par des étudiantes, avec le soutien de grévistes du secteur. Cette action a été reconduite pendant trois jours jusqu’au vendredi, sur décision d’assemblées générales quotidiennes, forçant le directeur à venir discuter devant près de 70 personnes. Fonctionnement collectif et auto-organisation, politique d’extension permanente, confrontation avec la direction et lien avec les salariés grévistes du secteur ont été au centre de cette expérience de mobilisation qui est loin d’être finie.

Un contexte marqué par la mobilisation et la grève, et dans le social en particulier

Les salariés de ce secteur ont particulièrement conscience des dangers de cette réforme des retraites. En tant que travailleuses et travailleurs d’un secteur majoritairement féminin, d’une part, où les temps partiels et les carrières hachées sont monnaie courante et où les conditions de travail sont régulièrement difficiles, où la charge de travail s’accroît au fur et à mesure des politiques libérales et austéritaires. D’autre part, car elles et ils sont aux premières loges pour constater l’accroissement de la pauvreté, le délitement du lien social, comme la violence sociale qui s’abat contre celles et ceux qui sont poussés à la marge de la société. En première ligne aussi pour comprendre qu’une telle réforme anti-sociale ne va faire qu’aggraver les conditions de vie de centaines de milliers de personnes et, in fine, venir faire grossir les files d’attente des services sociaux déjà débordés et incapables d’absorber autant de misère sociale.

Les taux de grévistes sont importants dans l’ensemble du secteur, quels que soient les champs professionnels, dans le privé-associatif comme dans le public. Par exemple, le 7 mars, plusieurs services locaux de solidarité (SLS), regroupant l’Aide sociale à l’enfance (ASE), la Protection maternelle infantile (PMI) ainsi que la polyvalence de secteur, étaient fermés. Ainsi, dans les manifestations se croisent et se côtoient des éduc de protection de l’enfance et de prévention spécialisée, des assistantes sociales de services qui bossent dans l’insertion ou même dans certaines entreprises, des travailleuses sociales employées dans les hôpitaux, etc. Autant de collègues qui se connaissent par le turn over des services, le travail partenarial, les réseaux amicaux ou encore parce qu’elles et ils ont passé leurs diplômes ensemble. Ces services étant tous les terrains de stage et d’apprentissage de leurs collègues en formation.

Depuis le 19 janvier, des délégations d’étudiantes côtoyaient des grévistes du social et médico-social derrière les banderoles « Travail Social en lutte », « Social et Medico-social en grève et en lutte », « Etudiant.e.s, Travailleureuses, Retraité.es, en Bande Organisée », et en assemblées générales. Ainsi, des liens ont commencé à se tisser entre salariés mobilisés, qu’elles et ils soient en poste ou en formation.

Étudiante ou travailleuse en formation ?

Les conditions matérielles des étudiantes et étudiants en travail social se trouvent au croisement du monde du travail et de la vie étudiante. C’est la double peine avec le combo précarité étudiante et exploitation accrue sur les terrains de stage ou d’apprentissage, cumulant souvent 35 heures de cours ou de stage par semaine, écrits et dossiers à faire à la maison, mais aussi un emploi alimentaire afin de survivre. Ils et elles étudient donc avec tout ce que la vie étudiante réserve de précarité. Cependant, elles et ils n’ont pas accès aux bourses du Crous, seulement à celle de la région qui est attribuée avec des critères injustes et plus sélectifs. Les frais de formation sont élevés, et il faut payer 95 euros de CVEC (Contribution à la vie étudiante) sans bénéficier dans les faits des services universitaires. La CVEC doit, depuis la loi ORE de 2018, être payée par les étudiants en formation initiale inscrits dans un établissement de l’enseignement supérieur (sauf les boursiers et boursières qui sont exonérés). Elle est censée permettre l’accès aux services étudiants de santé, sociaux, culturels, sportifs, etc. et financer des projets étudiants. Or, les écoles en travail social ne font souvent pas partie des établissements bénéficiaires. Ils et elles payent mais ne bénéficient de rien, et ça, depuis cinq ans ! À Échirolles, on leur dit d’aller au campus de Saint-Martin-d’Hères pour essayer d’accéder à leurs droits… Bref, ils et elles vivent une sacrée pression à la réussite scolaire et professionnelle sans que des conditions d’études le permettant soient mises en place. Et la menace de ne pas être inscrite et présentée au diplôme d’État par les instituts de formation si elles ont trop d’absences, et ce, peu importe le motif (problèmes de santé, grève…), plane toujours au-dessus des tête !

Les étudiantes et étudiants en travail social sont également travailleurs car en formation professionnalisante. Ils et elles sont donc confrontés aux mêmes difficultés sur leur lieu de stage que les pros du secteur, notamment le manque de moyens humains et financiers. Ils et elles témoignent de l’accès de plus en plus difficile aux stages, au risque de ne pas pouvoir aller au bout de leur formation. Cette difficulté d’accès est une face de la même pièce que les difficultés des conditions de travail et d’accompagnement sur le terrain : les professionnels sont épuisés, n’ont pas le temps d’accompagner correctement une travailleuse en formation et ne prennent alors pas de stagiaires, ou les services et associations n’ont pas de budget nécessaire pour les « gratifier » et renoncent à les former. Les étudiants et étudiantes sont parfois contraints, sous la pression des structures sociales (privées ou publiques) à renoncer à leur gratification, ou à découper leur stage entre plusieurs structures pour contourner l’obligation de gratification à partir de huit semaines de stage. Et les « gratifications », parlons-en : 4,05 euros de l’heure pour boucher les trous des services qui n’arrivent plus à recruter à cause des conditions de travail intenables et des salaires de misère ! Car oui, ils et elles sont amenés à remplacer des travailleurs et travailleuses en poste pour pallier les postes non pourvus ou à la surcharge de travail dans les services, sans l’accompagnement nécessaire.

La réalité est finalement que beaucoup décrochent avant la fin de la formation, dégoutés par les conditions d’étude ou l’état du secteur.

À Ocellia, fusion et réduction de moyens sur fond de manque de démocratie

Ocellia résulte de la fusion récente de l’Institut de formation en travail social (IFTS) d’Échirolles avec l’École santé social sud sst (ESSSE) de Lyon et de Valence. La direction générale des services est à Lyon, bien loin de la réalité des sites isérois et drômois. Les étudiants et étudiantes d’Échirolles ont la chance d’avoir un directeur de site, monsieur Aurélien Diasparra, qui a un CV impressionnant en tant qu’ancien comptable de l’IFTS. Comme toute fusion ou absorption, la finalité recherchée est l’économie de moyens et la mutualisation de certains postes et de certaines lignes comptables et non la mise en commun de ce qui fonctionne le mieux, ou encore la possibilité de peser sur le principal financeur, la région, dirigée par le très réactionnaire Laurent Wauquiez. Il existait déjà un certain nombre de dysfonctionnements, qui ont été aggravés par ce groupement sous la bannière d’Ocellia et de son logo papillon. Les informations sont rares et les salariés comme les étudiantes et étudiants se plaignent du manque de transparence. Le nombre d’heures alloué au suivi des parcours de formation n’a évidemment pas augmenté, dans un secteur où la recherche des stages ressemble plus à Koh Lanta qu’à un long fleuve tranquille. La clémente institution leur alloue tout de même une heure de temps en temps pour leur recherche de stage, entre 13 heures 30 et 14 heures 30, ce qui est très pratique pour se déplacer et passer des entretiens. Les étudiantes et les étudiants sont infantilisés et pressurisés par le fonctionnement de l’école : dernière trouvaille en date, ils doivent pointer à l’aide d’un code qui leur est donné à chaque début de cours, pour prouver qu’elles et ils sont assidus et présents en cours. Le travail social trouve une de ses racines dans la surveillance des bagnes pour enfants, mais enfin, faut quand même pas trop pousser ! Pour finir de tenter de décrire ce tableau rutilant, la démocratie de façade est une mascarade où la place laissée aux étudiantes et étudiants dans les instances de l’école est ridicule et la marge de manœuvre presque inexistante. Il existe donc des délégués de promo, comme au collège ou au lycée, et également deux « super délégués étudiants » pour les trois écoles, bref, la parole de celles et ceux qui étudient et qui subissent les réductions budgétaires comme la politique de la DGS est réduite à peau de chagrin.

C’est parti pour la grève !

Premier jour : mercredi 15 mars, les étudiantes et étudiants, réunis en début de semaine dans une assemblée générale, organisent leur premier piquet de grève. L’objectif fixé est de s’adresser le plus largement possible à l’ensemble des étudiants autour de l’importance de se mobiliser contre la réforme des retraites mais aussi sur des revendications locales liées aux conditions d’étude. Ils et elles proposent aux grévistes du secteur de les soutenir dans cette action. Les tables sont sorties et un petit déjeuner à prix libre est mis en place, avec tracts et signature de pétitions. Banderoles, mégaphones bref une ambiance matinale mais festive. Le tract distribué met en avant les revendications suivantes : banalisation des cours, pas de sanction ou pénalisation pour fait de grève ; accès à un accompagnement social et psychologique pour toutes et tous ; amélioration de l’accompagnement des étudiantes et étudiants à besoins spécifiques ; mise en place d’un suivi et accompagnement réel dans les stages et leurs recherches ; augmentation des temps réflexifs d’analyse de la pratique et de suivi du parcours de formation ; application réelle des services financés par la CVEC ; transparence sur les choix budgétaires d’Ocellia. En bref, des revendications sur l’accès aux droits étudiants et pour venir contrer les pressions individuelles, ainsi que sur le fait de pouvoir contrer le discours institutionnel qui consiste à dire « on comprend que vous râlez, mais il n’y a pas d’argent pour faire mieux ». Les promos présentes sont principalement les premières années AS/ES/EJE, des AES et quelques ergo’. Les réactions sont presque unanimement solidaires de l’action mise en place, mais beaucoup insistent sur le fait que si elles manquent des cours, elles seront pénalisées, auront des sanctions voire ne seront pas présentées au diplôme. Des tournées sont aussi faites dans les classes où se tiennent quelques cours, pour continuer à sensibiliser, à faire signer la pétition et appeler à rejoindre la mobilisation. La secrétaire de direction fait une brève apparition, pour excuser l’absence du directeur du site qui est retenu dans une tour d’ivoire lyonnaise, mais tient à se faire appeler par téléphone pour démontrer son écoute distante mais attentive. Une assemblée générale se réunit afin de discuter des suites et de comment faire aboutir les revendications. À ce moment, la grève étudiante et le piquet sont reconduits pour le lendemain, et la participation à la manif qui a lieu à 10 heures est décidée, ainsi que celle à l’AG des grévistes du secteur qui aura lieu post manif. Quant à la demande du directeur d’avoir un entretien téléphonique, les étudiantes préfèrent vérifier s’il sera dans les murs de l’institution le lendemain et donc remettre cette discussion lors de la prochaine AG étudiante. La manifestation est joyeuse et les discussions y continuent. Lors de l’AG avec les professionnels en grève, une action est peaufinée pour le lendemain, pour celles et ceux qui reconduisent, et les salariés grévistes se fixent l’objectif, pour soutenir les étudiantes et étudiants, de revenir sur le piquet et de s’adresser particulièrement aux formatrices et formateurs de l’établissement. Afin qu’ils se solidarisent de la mobilisation, mais aussi qu’ils se mobilisent sur leurs propres revendications. Enfin, une délégation de cette AG participera à l’AG de coordination interpro qui se réunit un peu plus tard dans l’après-midi et qui fixera certains rendez-vous pour le lendemain, jour de passage de la loi Borne devant le Parlement, et d’un éventuel vote ou 49.3. Cette journée était donc d’une certaine manière une grande AG, un grand bol d’air de démocratie ouvrière, où celles et ceux qui luttent se rencontrent, agissent ensemble, déterminent leurs objectifs.

Leur démocratie et la nôtre

Deuxième jour : jeudi 14 mars, le piquet est mis en place, les banderoles et pancartes sont sorties, les tracts distribués. Quelques formatrices passent et s’arrêtent pour discuter sur le piquet. Des tournées dans les classes avec des binômes étudiantes-salariés grévistes sont mis en place. L’écoute est de plus en plus attentive, la pétition est signée par plus d’une centaine de personnes. D’une certaine manière, c’est la suite des discussions de la veille qui ont lieu lors des interventions dans les classes. Des unités débrayent pour participer à la mobilisation. Une nouvelle AG avec des formatrices et formateurs a lieu à 10 heures, la discussion avance sur la stratégie à mettre en place. Les formatrices et formateurs, qui ont mené avec succès une mobilisation sur l’extension du Ségur aux salariés d’Ocellia et ont récemment monté une section syndicale, s’engagent à écrire une motion de soutien. Un dialogue se met donc en place sur la place de chacun et chacune dans l’institution et sur la capacité à marcher ensemble sur certains aspects et séparé sur d’autres. Cette discussion fait du bien au moral, les étudiantes et étudiants mobilisés ne sont pas isolés. Au contraire, leur mobilisation est soutenue largement par l’ensemble des actrices et acteurs de l’école. La suite de l’assemblée générale va être utilisée pour discuter de la stratégie face à la direction. On aurait la voiture du directeur sur le parking. Les grévistes étudiants décident donc de monter collectivement à l’étage de la direction, non pas pour négocier tout de suite, mais pour convoquer, ou disons inviter de manière ferme et souriante, le directeur à venir discuter de leurs revendications devant toutes et tous, donc devant l’assemblée générale. Pour maintenir et augmenter la pression, il est décidé de reconduire la grève et le piquet le lendemain, ainsi qu’une AG de préparation à 9 heures pour une convocation-négociation à 10 heures. Une délégation d’une vingtaine d’étudiantes et étudiants monte donc à la direction.

Le directeur est surpris, et accepte immédiatement son invitation pour le lendemain. Un début de dialogue commence à s’engager. Face aux demandes de banalisation, de non sanction et non mise en péril des formations des grévistes, le directeur botte en touche. Il explique qu’il est le garant du cadre réglementaire qui ne permet pas cette banalisation mais explique aussitôt qu’il va en référer dans la journée à sa propre direction. La délégation descend, revigorée par ce début de discussion et consciente de sa force collective. Tout ce petit monde se retrouve donc par la suite devant le conseil départemental (CD) de l’Isère, présidé par un autre réactionnaire notoire, Jean-Pierre Barbier. Une surprise les y attend : dans la nuit un graff de plusieurs mètres d’envergure a poussé sur les toiles qui protègent les échafaudages apposés au bâtiment du conseil départemental. On peut y voir écrit en rouge : « Retraite à 60 ans ! Des moyens pour le social ! MAINTENANT ». Visiblement les grévistes du secteur font appel à leur sens artistique comme à leurs connexions auprès des grimpeurs locaux. Le rassemblement commence, il réunit une cinquantaine de personnes qui discutent et enchaînent les prises de parole. Des journalistes sont présents et couvrent ce petit événement qui se tient quelques heures avant le nouveau rassemblement interpro décidé par l’intersyndicale. Les grévistes, las de parler à un bâtiment, aussi bien redécoré soit-il, décident d’aller se faire entendre à l’intérieur même du CD. Quelques vigiles zélés se rendront rapidement compte que le rapport de force c’est le nombre et la détermination pacifique et non la salle de muscu. Les slogans fusent : « On est là, même si Barbier ne le veut pas ! », « Tout le monde se bat pour le social, le social se bat pour tout le monde ». Des prises de parole s’improvisent, ainsi une assistante maternelle prend la parole, suivi d’une intervenante au planning familial, ou encore une technicienne en intervention sociale et familiale (TISF) ou d’un éducateur de rue. Toutes et tous parlent de la surcharge de travail, des baisses budgétaires, des démissions des collègues qui ne sont pas remplacés, des bas salaires, de l’injustice que contient la réforme des retraites. La directrice générale du CD pointe finalement le bout de son nez pour prévenir qu’elle va faire appel à la force publique pour évacuer les grévistes. Elle est copieusement huée avant que les manifestantes et manifestants décident collectivement de sortir, tout en prenant l’engagement de revenir bientôt. La suite de la journée est rythmée par l’annonce du 49.3 lors du rassemblement interprofessionnel. La colère commence à se faire entendre. À 18 heures, à l’appel de l’AG de coordination interpro, rendez-vous est donné pour partir en manif. Cette dernière n’est pas déclarée, qu’à cela ne tienne, un cortège d’un millier de manifestants et manifestantes s’élance dans les rues de Grenoble. La manifestation durera jusqu’à 22 heures et grossira au fur et à mesure de la soirée pour attendre plusieurs milliers de personnes, les optimistes annoncent entre 8 000 et 10 000  au plus fort. L’ambiance y est très différente des précédentes manifs, on sent la colère mais aussi la joie d’être ensemble. Des fumigènes, des feux de mobilier urbain viennent égayer cette drôle de marche. Dans le cortège, on retrouve évidemment les grévistes du social, qui ont décidément des journées bien longues et combatives.

Négociation sous contrôle de l’assemblée générale !

Troisième jour : Dès 7 heures 30, rebelote, c’est piquet de grève et p’tit dej’ de la lutte. Une délégation de grévistes est à nouveau présente aux côtés des étudiantes et des étudiants. Un mélange de stress et d’impatience est palpable dans les échanges entre grévistes. Les tracts sont distribués et rapidement des binômes se reforment. L’axe des interventions dans les classes est double : rendre compte de la précédente journée de mobilisation, expliquer que ce que l’Assemblée nationale peut faire, la rue peut le défaire, mais également profiter de ce contexte de lutte importante pour obtenir des victoires locales et donc appeler à venir nombreuses et nombreux à l’AG du matin ainsi qu’à la négociation avec le directeur. Cette fois, ça fait vraiment mouche, des TD se vident partiellement, un cours débraye majoritairement. C’est autour d’une cinquantaine d’étudiantes et étudiants qui discutent en assemblée générale, de l’excitation parcourt l’ambiance studieuse des discussions. Tout le monde se met d’accord sur les règles : le directeur ne donnera pas le tempo, il devra respecter le format de discussion décidé par les personnes mobilisées, c’est à dire l’ordre du jour décidé ainsi que la liste d’inscrits ! Les revendications sont regroupées en trois items : le droit de grève et la non sanction ou pénalisation des absences ; la pénurie de stage et un meilleur accompagnement et soutien des étudiantes et étudiants dans cet aspect fondamental de leur formation ; l’accès à l’ensemble des droits étudiants et la transparence sur les choix politiques d’Ocellia comme sur ses incompétences. Les rôles sont répartis entre l’animation de la réunion, le minutage des interventions et les introductions des trois points préétablis. Les derniers arguments sont affutés.

Entre-temps, de nouveaux élèves ont décidé de ne pas retourner en cours après la pause clope, le directeur arrive donc au réfectoire où se tient l’assemblée générale, et se retrouve sous le regard de 70 étudiantes et étudiants. Il tente d’emblée de prendre la main, mais la parole ne lui est pas laissée, un étudiant mandaté par ses pairs pose le cadre de la discussion, propose l’ordre du jour et demande si le directeur à des amendements. Ce dernier tente de garder sa contenance, et explique que la prochaine fois il faudra discuter autrement et fait remarquer, comme il a l’œil, qu’il pense que certaines personnes ne sont pas étudiantes. Une étudiante répond que les salariés grévistes sont là avec l’accord et à la demande de l’assemblée générale étudiante, un salarié explique que son service est un terrain de stage, qu’il est également intervenant vacataire dans certaines formations, un autre réplique que sont présentes des délégations de la CGT action sociale départementale et Solidaires au niveau départemental, que les organisations syndicales sont présentes afin d’évaluer par elles-même si ce conflit social doit sortir des murs de l’école ou pas, le directeur accepte et avale sa salive, il est trop tard pour se défiler. Ambiance !

La discussion est pleine de rebondissements mais le directeur ne cale pas sur ses arguments. Il se tient à sa ligne qui, il l’explique, a été déterminé par la DGS et l’ensemble de la direction d’Ocellia. Il explique qu’il comprend les étudiants et étudiantes, qu’il est solidaire d’elles et eux, mais qu’il se doit de faire respecter le cadre réglementaire, ce n’est pas de sa faute, c’est de celle de la région et des différentes lois. Sur les stages, il fait mine de charger les formateurs et formatrices, sur les droits étudiants, c’est la faute de l’université et même du doyen de médecine. Des étudiants et étudiantes haussent le ton, expliquent qu’il répond à côté, que s’il n’est pas le bon interlocuteur, qu’il le dise de suite. Des salariés lui expliquent qu’il est face à un mouvement social, qui s’oppose au nouveau cadre réglementaire incluant la réforme des retraites à la sauce 49.3 et qu’il va falloir faire des efforts. Quand le directeur explique que le contexte de l’inflation est compliqué pour tout le monde, la parole lui est coupée pour lui rappeler qu’il organise le travail gratuit des étudiants et étudiantes en fermant les yeux sur le découpage de certains stages en plusieurs conventions de moins de huit semaines. Quand il explique que la plupart des revendications étudiantes sont mises en examen, il se voit répondre avec une pointe de provocation, que quand les étudiants ont du travail à rendre, on leur fixe un échéancier, qu’il serait donc de bon ton de lui en fixer un à lui aussi. Devant cette argumentation solidaire et collective, il perdra ses moyens un instant, et expliquera qu’il travaille tout de même 20 heures par jour… la salle a bien ricané ! Au bout d’une heure et vingt minutes de rapport de force sous forme de joute verbale, le directeur tente une conclusion qui se veut apaisante et bienveillante, en expliquant tout de même que c’était lui le chef. Une étudiante se paiera le culot de faire la dernière intervention du débat en lui expliquant avec un calme absolu que même s’il se targuait d’être solidaire des étudiantes et des étudiants… la réciproque n’était absolument pas vraie, qu’ils et elles n’ont ni les mêmes conditions de vie, ni la même place dans la société ou dans l’institution, que personne ne lui demandait d’être solidaire mais plutôt d’accéder à leurs revendications. Le directeur a fini par se lever et a été raccompagné à la porte de l’AG sous le slogan « Tout le monde se bat pour le social, le social se bat pour tout le monde ».

L’ensemble des protagonistes prend le temps d’une pause bien méritée et c’est reparti pour la réunion de débriefing. Chacun et chacune livre ses impressions, tout le monde est unanime sur le fait qu’il va falloir augmenter la pression. La semaine prochaine se fera sous le signe de l’extension, extension aux promos qui reviennent en cours à partir de lundi, extension aux écoles de Lyon et Valence. Rendez-vous est pris lundi soir pour une prochaine assemblée générale ainsi que le matin pour des diffusions de tracts et des interventions en cours. Différentes équipes sont mandatées pour les tâches qui découlent de cette dernière discussion.

Ce n’est qu’un début

Les tâches que se sont fixées l’assemblée générale sont multiples et visent à l’extension de ce conflit, pour gagner le plus rapidement possible sur l’ensemble des revendications concernant Ocellia. Dans la semaine, des équipes iront donc à Valence et à Lyon afin de faire part aux étudiantes et étudiants de ces établissements de la mobilisation et les inviter également à entrer dans la danse. Des communiqués syndicaux vont être également être envoyés à la presse.

Enfin, une délégation de grévistes, salariés et étudiants, se rendra le week-end prochain, les 25 et 26 mars aux Rencontres nationales travail social en lutte, afin de partager leurs expériences de mobilisation, s’enrichir des débats et des autres formes de mobilisations qui existent partout en France (et en Belgique !) et se coordonner avec les militantes et militants combatifs du secteur social et médico-social ! Rendez-vous est déjà pris avec celles et ceux de Montrouge, de Poitiers et de Nantes !
 
La suite au prochain épisode.

André K.