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Un mouvement qui a remis les travailleurs au centre des débats

Des manifestants politisés

Quatorze journées de mobilisation, des millions de manifestants, un soutien massif de l’opinion publique. Ce mouvement a été déclenché par des syndicats ayant besoin de redorer leur blason après que plusieurs mouvements d’ampleur nationale se furent développés sans eux (Gilets jaunes, mouvements dans la Santé, avec le Collectif inter-urgences, etc.). Mais, bien que piloté d’en-haut par l’intersyndicale, il a tout de même eu un caractère imprévisible – ne serait-ce que par le nombre de manifestants qui a surpris Laurent Berger lui-même dès la journée du 19 janvier – et a permis l’intervention directe de la classe ouvrière dans la vie politique. Pas par une participation au jeu truqué des élections, mais par les manifestations et les grèves.

Cela dit, à côté de manifestations massives, la production n’a que très peu été entravée. Même lors de la journée du 7 mars, où l’intersyndicale parlait de « mettre la France à l’arrêt », cela ne s’est pas produit. Certains secteurs se sont mis en grève, mais pas de déferlante qui aurait pu déboucher sur une grève générale.

Mais ceux qui ont participé au mouvement – et, au-delà, bien d’autres travailleurs autour d’eux – ont fait de la politique au véritable sens du mot, en refusant le sort que les classes dirigeantes lui réservent. Un nombre croissant de travailleurs, de jeunes se sont politisés. Il est significatif que les classes populaires aient rendu les flics responsables des violences dans les manifestations et se soient refusées à condamner les Black Blocs.

Les partis de la gauche institutionnelle se sont efforcés de semer des illusions sur la démocratie parlementaire et l’intersyndicale a volé à leur secours en calant les journées de mobilisation sur le calendrier institutionnel. Mais les échecs « parlementaires » n’ont pas émoussé la combativité – il suffit de se rappeler les manifestations spontanées le 16 mars, au soir de l’utilisation du 49.3 pour faire passer en force la loi.

Un pouvoir contrarié

Macron s’est retrouvé isolé, y compris dans son propre camp. Pas un seul membre de l’exécutif n’a pu pendant longtemps se déplacer sans être accueilli par des manifestations et des casserolades. Le 19 juin dernier, encore, lors de finale de rugby du Top 14, Macron a été hué. Mais, contrairement à Raffarin, qui avait interdit lors du mouvement de 2003 tout déplacement à ses ministres, Macron, lui, les a encouragés à se déplacer, quitte à mettre les lieux du déplacement en état de siège. Un affaiblissement de l’exécutif donc, mais à relativiser.

Les épisodes parlementaires répétés ne sont évidemment pas non plus un atout pour Macron, ni ici, ni dans ses prétentions à représenter la « start-up France » à l’international. Faute de consensus parlementaire, il a dû légiférer sans habillage démocratique, ce qui l’a mis en première ligne et a contribué à éroder la confiance de la population dans les institutions. Mais il s’est efforcé de dépasser cet inconvénient en se donnant la posture de celui qui n’hésite pas à rester inflexible et s’en prend aux travailleurs, « quoi qu’il lui en coûte » en termes politiques. Là encore, Macron a été entravé mais pas empêché.

Défaite des travailleurs ?

Macron a donc fini par imposer une loi sans autre raison d’être que s’en prendre à la classe ouvrière. Il tenait à convaincre les travailleurs que manifester ou faire grève ne sert plus à rien. Il se voit en Thatcher terrassant le dragon des luttes sociales non prévisibles, celles que le patronat ne peut pas intégrer dans sa comptabilité comme une dépense parmi d’autres. Confiant que les confédérations syndicales, soucieuses seulement des s’asseoir à la table de négociations, joueront leur rôle pour éviter l’explosion sociale.

Mais il n’y a pas que les appareils syndicaux qui militent dans la classe ouvrière. Et les militants révolutionnaires, eux, continueront de chercher à faire converger les luttes grévistes, par exemple celles qui se développent et se développeront du fait de l’inflation.

Alors, non : la messe est loin d’être dite !

Le 19 juin 2023, Jean-Jacques Franquier

 

 

(Article paru dans Révolutionnaires numéro 3, été 2023)