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Une grève inédite à La Poste de Chavant, à Grenoble, depuis le 22 mars 2023

C’est une équipe très jeune et solidaire, composée en grande partie d’intérimaires, qui a décidé de relever la tête, d’imposer les embauches des camarades à statut précaire et de meilleures conditions de travail. Portés par le mouvement de grève contre la réforme des retraites, elles et ils font face avec dignité à une direction inique dont l’objectif est de jouer le pourrissement tout en divisant et réprimant. Leurs revendications et leur mise en mouvement, si elles venaient à se généraliser, pourraient faire tressaillir une direction de la poste violente et jusqu’au-boutiste… et même au-delà !

Réorganisations en série et recours illimité à l’intérim

Une grève reconductible a commencé le 22 mars au bureau de poste de Chavant à Grenoble. Le point de départ est le non-renouvellement d’un contrat d’une intérimaire par la direction locale. Une collègue qui arrivait au terme de ses 18 mois d’intérim après avoir été utilisée pour remplacer des postes non pourvus, s’est vu jetée dehors du jour au lendemain. Au centre du mécontentement et des revendications, il y avait également le système de tournées sacoches mis en place depuis la dernière réorganisation en décembre 2021 : c’est une nouvelle organisation du travail qui divise le travail du postier en deux, une équipe qui trie et une équipe qui distribue, ce qui entraîne de nombreuses tensions entre les deux équipes et des inepties sur la qualité de service. Le recours à l’intérim et à différents contrats précaires (CDI GEL, CDI Impact…) à La Poste devient monnaie courante. Sur un même bureau on peut retrouver trois, quatre, cinq types de statuts différents. La Poste utilise ces contrats comme une variable d’ajustement pour faire face à la soi-disant évolution du marché du courrier. Le recours à l’intérim et aux contrats CDI GEL (Groupement d’Employeur Logistique) servent aussi à priver de leurs droits une partie des postiers, l’accès à la prime d’intéressement est refusée aux intérimaires en mission, aux CDI Intérimaires et aux CDI GEL. Ces deux derniers types de contrat, dérogeant à la réglementation sur l’intérim, ne permettent pas non plus l’accès à la prime de précarité. Tout le monde travaille dans le même bureau, fait le même boulot mais personne n’a les mêmes droits. C’est cette situation qui a poussé les grévistes de Chavant à rester en grève malgré le pas en arrière de la direction qui a proposé un CDI GEL à la collègue, avec un groupement encore différent de celui déjà présent sur le bureau, ce qui permet de la maintenir en poste et représente une première avancée.

Une douzaine de postières et de postiers de l’équipe full TE – c’est à dire la distribution ont décidé de continuer la grève, il y a une majorité de contrats précaires dans cette équipe de grévistes qui ont pris le mors aux dents. Ils ont commencé à relever la tête et ne veulent pas rentrer tant qu’ils n’auront pas obtenu un CDI pour toutes et tous.

La grève aux grévistes

Depuis le début du mouvement, les grévistes ont pris l’habitude de discuter et de décider de leur grève en faisant des assemblées générales où ils se retrouvent toutes et tous, syndiqués ou non syndiqués. C’est l’une de leurs forces, cette grève leur a permis de reconstituer des liens forts et de prendre leurs affaires en main. Il y a une semaine, s’est tenue une réunion entre la direction et les syndicats, les grévistes ont réussi à y imposer trois de leurs collègues. Alors que la direction tente de les déstabiliser et de les diviser en ne renouvelant pas les missions d’intérim de certains grévistes, elles et eux restent unis. Ce que la boite peut faire, la mobilisation collective peut le défaire !

Très vite, les grévistes de Chavant ont bien compris que, face à une direction aussi méprisante et violente, il était nécessaire de ne pas rester isolé. Ils et elles sont donc allés s’adresser à différents bureaux de l’agglomération comme à Saint-Égrève, à Lionel Terray, à Meylan et à Seyssinet. L’accueil dans ces différents bureaux étaient toujours très chaleureux et les discussions fraternelles et animées. En effet, les problèmes de la précarisation et des réorganisations sont les mêmes partout, et l’ensemble des collègues se reconnaissent dans les constats des grévistes comme dans leurs mots d’ordre. À Lionel Terray les agents du site faisaient, depuis quelques jours, une heure de débrayage tous les matins contre la mise en place d’un plan de production incluant des tournées sécables quotidiennes, c’est à dire le découpage d’une tournée en bouts ajoutés chacun à d’autres tournées, ce qui supprime des postes et augmente la charge de travail. La direction a décidé d’envoyer une quinzaine de lettres pour un entretien en vue d’une sanction disciplinaire. On leur reprocherait de ne pas avoir fait les tâches inscrites au planning lors de cette heure de grève ! Une attaque en règle contre le droit de grève ! La direction a peur de voir des postières et des postiers de différents bureaux discuter ensemble, la seule réponse qu’elle propose : la répression.

Face à ces attaques et ce mépris, les postières et les postiers de l’agglomération de Grenoble se sont réunis tous ensemble en AG jeudi 6 avril lors de la onzième journée de grève intersyndicale et interprofessionelle contre la réforme des retraites. Il y avait plus d’une trentaine de présents venus de six sites. Cette AG a permis d’échanger à propos des problèmes sur les différents sites, puis de partir en cortège de postiers toutes et tous ensemble à la manifestation. Une place d’honneur a été faite à ce cortège, qui a manifesté en tête de la manifestation ! Tout un symbole sur l’importance de cette mobilisation mais également sur les liens qui commencent à se créer avec le mouvement social et ouvrier localement. C’est aussi ce type de rassemblement et de rencontre, que cela soit en AG ou en cortège, qui permet à tout le monde de se rendre compte de sa force.

La direction veut le pourrissement, les grévistes veulent l’extension

La direction de La Poste cherche le pourrissement de ce mouvement en tablant sur l’épuisement des forces, en divisant les postiers et en les réprimant. Depuis des années, la direction traite les conflits bureau par bureau et veut imposer l’isolement de chaque lutte comme une règle immuable. Mais en plein mouvement des retraites au niveau national et avec ce mouvement à Chavant à l’offensive qui pose la question de l’extension à d’autres bureaux, qui s’organisent par eux-mêmes, cette règle pourrait bien vaciller. Pour y arriver, il est nécessaire d’augmenter le rapport de force avec la direction en continuant à chercher l’extension. Les grévistes de Chavant ont fait un appel dans une vidéo à tous les précaires de La Poste (intérimaires, CDI GEL, CDI Impact…) à les rejoindre. Pour gagner, les grévistes de Chavant ne doivent pas rester isolés : une majorité de contrats précaires ont osé relever la tête pour exprimer leur ras-le-bol dans cette grève et ils prennent en main leurs affaires pour s’opposer à La Poste.

Face à la violence de cette direction, les postiers et les postières ont besoin de se retrouver toutes et tous ensemble dans la lutte contre la dégradation des conditions de travail et contre la précarisation du métier.

La force des grévistes sera de pouvoir étendre le mouvement. À Grenoble, à Paris, à Marseille, à Nanterre, à Perpignan, où des conflits ont émergé ces derniers jours, les problèmes sont les mêmes.

Pour permettre la visibilité et l’extension de ce conflit qui pose la question de l’embauche des précaires, qui démontre que même en intérim c’est possible de lutter et de s’organiser, il est possible de soutenir la caisse de grève : https://www.okpal.com/caisse-de-greve-retraites-sud-ptt-isere-savoie/. Il est également possible de partager leur communication sur les réseaux sociaux :

Et évidemment, de s’inspirer de cette mobilisation, pour la rejoindre et lui permettre de gagner !

Samy N et André K