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Vire, 1er avril : manifestants 1, gouvernement 0

Vire (Calvados, 12 000 habitants) est le chef-lieu de la circonscription où la Première ministre Borne a été élue, de justesse, en juin dernier. Samedi 1er avril, c’est là que l’intersyndicale du Calvados donnait rendez-vous pour une nouvelle manifestation contre la casse des retraites.

Tout ça pour ça ?

Dans la semaine précédant la manifestation, le préfet du Calvados s’est répandu dans la presse locale pour alerter les habitants : des hordes de « casseurs » allaient déferler sur la ville ! Tous les « black blocs » de l’Ouest s’étaient à l’en croire donnés rendez-vous pour mettre Vire à feu et à sang. Pour donner plus de poids à son avertissement, les gendarmes du cru ont multiplié les visites aux commerçants pour les inciter à se barricader et fermer le rideau, et conseillé à qui voulait bien les écouter de rester cloîtré chez soi. Non sans un certain succès. Le vendredi soir, un journaliste tournait ainsi une courte vidéo dans une des artères du centre : çà et là, des artisans s’empressaient de visser des panneaux de contreplaqué par-dessus les vitrines des magasins, faisant résonner les visseuses électriques dans un silence de plomb.

Le lendemain, la place principale de la ville était aussi déserte qu’un dimanche à l’heure de la sortie des boîtes de nuit. Seuls les stands d’animation installés par les syndicats et la restauration organisée par la Confédération paysanne troublaient le silence. Dans la ville, des groupes de gendarmes disposés à chaque intersection, jusque sur les voies piétonnes, interceptaient les passants, vérifiant les identités en les comparant à un « fichier » sur lequel les pandores interrogés se montraient pour le moins avares de précisions. Pour parvenir jusque-là, les automobilistes avaient dû le plus souvent franchir un ou plusieurs barrages routiers et laisser soumettre le véhicule à une fouille complète. Butin de ces fouilles, selon la presse : un marteau, une batte de base-ball et un pavé. C’était bien maigre.

Succès d’une manifestation déterminée

Vers 14 heures, la place de la Porte-Horloge commence à se remplir. Des véhicules sonos venus du Calvados, de l’Orne et de la Manche (Vire est à la jonction des trois) lancent les premiers slogans. Un silence partiel se fait pour les prises de parole. D’abord une enseignante du collège du Val-de-Vire, celui du quartier populaire du même nom, que le conseil départemental veut fermer, au nom des économies de chauffage et d’entretien. Et tant pis si ses 275 élèves doivent s’entasser dans l’autre collège public de la ville, encore en travaux… pour réduire sa surface ! La lutte contre la fermeture du collège du Val n’est pas finie, proclame l’enseignante, qui fait un parallèle avec la lutte contre les retraites : bien que sa décision ait été suspendue par un tribunal administratif, le président du conseil départemental, Jean-Léonce Dupont, s’acharne, sourd aux protestations unanimes à Vire – même le conseil municipal pourtant dirigé par un macroniste allié à Dupont a dû se prononcer contre la fermeture.

 

La prise de parole du collectif contre la fermeture du collège du Val-de-Vire

C’est au tour de l’intersyndicale viroise de s’exprimer. La déléguée CFDT s’époumone : la loi, c’est toujours « Non ! », nous restons en lutte pour le retrait ! Une détermination qui emporte l’adhésion… et dont Laurent Berger et quelques autres de l’intersyndicale nationale feraient bien de s’inspirer !

Le cortège s’ébranle, sur un tracé modifié par les autorités de manière à éviter le centre-ville. Peu importe, des milliers de manifestants sont bien là, reprenant les slogans. À bien y regarder, les Virois ne sont pas si nombreux. La préfecture a réussi à les dissuader de venir en famille, effrayé ceux dont la santé ne permet pas de piquer un sprint pour échapper à une charge de police. Pourtant, le défilé reste pacifique, presque goguenard devant les gendarmes disposés par paquet de cinq à dix à chaque intersection. Le nombre parle pour lui.

Les suites ? Lutter jusqu’au retrait !

Dans le cortège, certains enragent d’être empêchés de protester sous les fenêtres du suppléant de Borne, Freddy Sertin. Une fois revenus à la porte Horloge, plusieurs centaines de manifestants se massent devant le fourgon de gendarmerie qui bloque la rue menant à sa permanence. Enfin ! Les gendarmes tiennent leur seule occase de sortir leurs joujoux lacrymogènes, ils ne la laissent pas passer. Pas de quoi ranimer le scénario de guerre civile échafaudé par la préfecture pour autant.

Non, la guerre est ailleurs. Dans l’inflation qui continue pendant la lutte et rogne des salaires ouvriers encore plus misérables dans les petites villes de l’Ouest que dans les grandes métropoles, soulignent les cégétistes de l’Orne dans leur dernière harangue avant de remballer leur sono. « Il faut donc revendiquer sans attendre sur les salaires », explique en substance le militant. « C’est aussi comme ça qu’on sauvera les retraites. » Et une dernière acclamation accueille l’annonce du prochain rendez-vous : jeudi 6 avril, tous et toutes en grève et dans la rue !

Correspondant local