Nouveau Parti anticapitaliste

Nos vies valent plus que leurs profits

Contre le travail qui tue, un vendredi 28 avril de lutte !

Depuis une trentaine d’années, le 28 avril est déclaré « journée internationale de la santé au travail », par des institutions syndicales et étatiques internationales qui veulent surtout « promouvoir la prévention des accidents et des maladies professionnelles dans le monde entier » et inciter les salariés à respecter les règles de sécurité, comme s’ils étaient responsables de leurs morts ou mutilations. Le travail tue – 800 à 1000 morts au moins chaque année en France –, mais c’est en fait le contexte dans lequel s’exerce l’activité productive sociale qui tue, c’est-à-dire l’exploitation capitaliste et la course aux profits qui exposent à tous les risques. À la veille de ce Premier mai 2023, une nouvelle étape du bras de fer entre Macron et le monde du travail, la journée internationale du 28 avril, prend les couleurs de la lutte. « On ne crèvera pas pour le patronat ! » Pas deux ans de plus ! Nous devons être nombreux à le répéter ce jour-là. L’ouvrage dont nous conseillons ci-dessous la lecture est de circonstance, document et pamphlet contre les crimes dont se rendent coupables les patrons.

L’hécatombe invisible, enquête sur les morts au travail, de Matthieu Lépine

Seuil, 2023, 224 p., 19 €

Cet ouvrage est une enquête sur les conditions de travail qui font en France deux à trois morts par jour, un bilan parmi les pires d’Europe, sans qu’on puisse exactement le chiffrer. En effet, la caisse d’assurance maladie ne dresse des statistiques que sur le secteur privé, c’est-à-dire sur quelque 19 millions de salariés alors que la population active française en compte 29 millions. Sont omis des statistiques le secteur public, le secteur agricole, les marins-pêcheurs, les indépendants dont cette nouvelle catégorie montante des « auto-entrepreneurs » au nombre desquels les livreurs à vélo et bien d’autres. On en serait en réalité à quelque 1000 morts par an, sans compter les accidents de trajets. Une hécatombe, dans le plus grand silence. Qui plus est, il s’agit souvent de morts violentes, choquantes. De vies littéralement broyées ou ensevelies.

L’auteur de l’ouvrage, Matthieu Lépine, est un enseignant en histoire et géographie qui, depuis 2019, a pris à bras-le-corps cette réalité de la mort au travail, l’a traquée à travers la presse quotidienne régionale et a diffusé les données recueillies sur les réseaux sociaux. Ont alors afflué des témoignages de victimes et leurs familles, de militants syndicaux, d’inspecteurs du travail, de médecins, d’avocats, de journalistes. D’où un véritable dossier à charge contre le patronat et les responsables politiques.

Au fil des pages, l’ouvrage témoigne sur ces morts qui frappent prioritairement les plus jeunes, dont des apprentis de 14 ans, ou les plus âgés. Il est question de travailleurs dont les photos s’égrènent à la fin de l’ouvrage. « Mon fils est parti un matin au travail pour gagner sa vie et non pour la perdre », dit la mère de Guillaume. « J’aimerais tellement que la mort de mon enfant ne soit pas un fait divers dans un petit journal de province », dit celle de Benjamin.

L’empathie avec les victimes et leurs proches est le fil conducteur de l’ouvrage, qui est aussi une enquête qui – chiffres et faits à l’appui – débusque les responsabilités (de patrons quasiment jamais reconnus coupables), dénonce la fin des CHSCT, la baisse drastique des effectifs d’inspecteurs du travail (1 pour 10 000 salariés) et les lacunes criantes de la prévention et de la formation (surtout avec l’explosion de la main-d’œuvre précaire et des entreprises sous-traitantes qui se rejettent les responsabilités). L’auteur décrit aussi le terrible parcours du combattant qui est celui des victimes et leurs familles, pour obtenir quelque réparation et surtout pour ne pas laisser impunie et oubliée la mort d’un proche. Un ouvrage précieux, d’un auteur engagé.

Michelle Verdier

Mediapart a consacré une émission, À l’air libre, à cet ouvrage et son auteur, le 9 mars 2023.

 

(*) FNATH (Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés), association nationale représentant et portant aide aux victimes du travail. https://www.fnath.org/