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Trente ans après le génocide des Tutsis au Rwanda, quelle reconnaissance de la complicité de la France ?

Absent de la commémoration du génocide des Tutsis à Kigali, la capitale du Rwanda, Macron a fait diffuser une vidéo. Alors que l’Élysée avait fait savoir aux journalistes que le président français énoncerait l’idée « que la France, qui aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, n’en a pas eu la volonté », il n’en a rien été dans la version finale du discours. Il en est resté aux mots prononcés en 2021 au Mémorial de Kigali : la France reconnaît sa responsabilité, elle est « restée aux côtés d’un régime génocidaire », mais « elle n’a pas été complice ».

Un refus de reconnaître la vérité des faits, qui correspond aux conclusions du rapport Duclert commandé par Macron en 2019 et publié en 2021. Le rapport multiplie les preuves que l’État français savait, mais aboutit à le dédouaner, en affirmant que la France est responsable mais pas complice de génocide et qu’elle a fait preuve d’aveuglement en continuant à soutenir le régime mis en place par le président Habyarimana (1973-1994 : c’est son assassinat le 6 avril 1994 qui a déclenché le génocide).

Les conclusions du rapport soulignent des « responsabilités lourdes et accablantes, la France [étant] demeurée aveugle à la préparation du génocide », mais récusent toute forme de complicité. Le fait de faire porter l’ultime responsabilité de ces choix à Mitterrand et à la « cellule Afrique » de l’Élysée, aboutit également à blanchir les autres responsables politiques encore vivants… Le soutien au génocide rwandais ne serait que le produit d’un dysfonctionnement de la République, dans laquelle les contre-pouvoirs n’ont pas fonctionné.

Or, le soutien à un régime en pleine dérive génocidaire repose sur des mécanismes encore à l’œuvre aujourd’hui dans la marche ordinaire du néocolonialisme français en Afrique, la Françafrique : l’État français est prêt à bien des complicités et bien des aveuglements volontaires pour continuer à soutenir les régimes lui servant de relais sur le continent africain.

Le rapport Duclert n’aboutit donc qu’à écrire une histoire officielle, une histoire acceptable pour l’État français. Et à poursuivre le rapprochement diplomatique entre la France et le Rwanda, initié par Sarkozy. C’est à cette attitude que la France s’en tient aujourd’hui, intéressée par un pays en pleine croissance économique, certes encore très pauvre mais qui attire les investissements américains, chinois ou qataris. Présent au Rwanda pour représenter la France lors de la commémoration des trente ans du génocide, le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a annoncé un nouvel accord commercial France-Rwanda de 400 millions d’euros. C’est bien de business qu’il s’agit, en enterrant le passé, au mépris des victimes du génocide.

Lydie Grimal

 

 

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