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8 mars : grève féministe contre la réforme des retraites

Depuis plusieurs mois, la grève du 8 mars est préparée avec acharnement par le mouvement féministe. À l’image des grèves du 8 mars en Espagne, en Argentine ou en Suisse, les féministes s’organisent pour montrer que « quand les femmes s’arrêtent, le monde s’arrête ».

La nouvelle génération féministe, plus jeune, peu liée aux institutions, entend montrer que la grève est bien l’arme des travailleuses dans la lutte contre le patriarcat et contre le patronat.

L’émergence de la grève féministe du 8 mars

Dans les autres pays cette journée a de fait permis de remettre au centre des préoccupations les revendications féministes, mais celles-ci s’élargissent au-delà des thèmes plus « traditionnels » du mouvement féministe. En Espagne par exemple, aux revendications concernant la lutte contre les violences faites aux femmes s’ajoutent les revendications économiques, environnementales et contre les frontières, pour ne citer que celles-ci.

Cette année, en France, les revendications s’écrivent partout au sein d’AG féministes et groupes plus ou moins formels : revendications pour l’indépendance économique, la réappropriation des services publics, le droit à disposer de son corps ou l’environnement, ou encore contre le racisme. Ces revendications se discutent à la base et le mouvement se construit pas à pas depuis plusieurs mois.

Mais la lutte contre la réforme des retraites donne une nouvelle orientation à l’organisation de cette journée : il est nécessaire de repenser les mots d’ordre, les actions, les différents événements sous un jour nouveau.

En effet, il n’est pas possible de préparer la journée du 8 mars indépendamment de la lutte contre la réforme des retraites, lutte au sein de laquelle le mouvement féministe a pris toute sa part. Depuis le début de la mobilisation, dans certaines villes, les cortèges féministes sont massifs, bruyants, joyeux. Ils mêlent les chants féministes aux slogans contre la réforme. Les slogans féministes habituels sont réadaptés pour coller à cette mobilisation et inscrire radicalement le mouvement féministe dans cette lutte.

Tous et toutes en grève le 8 mars !

De fait, ce que prévoit la réforme des retraites contribue à précariser et à appauvrir les femmes. Carrières hachées, temps partiel subi ou choisi pour s’occuper des enfants, salaires toujours inférieurs à ceux, déjà insuffisants, des hommes… Pour un très grand nombre de femmes, cette réforme est l’assurance d’une retraite de misère. Déjà à « taux plein », plus précisément sans la décote, la retraite sera faible mais qui peut espérer le taux plein ? Qui tiendra jusqu’à 67 ans dans tous les boulots féminisés, qui sont parmi les plus pénibles ? À la fin de la vie, il ne restera plus grand-chose pour en jouir.

La grève féministe du 8 mars pourrait être également un accélérateur puissant dans cette lutte contre la réforme des retraites, et nous donner des forces pour construire la grève reconductible après le 7 mars. Parce que cette date n’est pas seulement préparée dans les cadres syndicaux habituels, elle pourrait donner un souffle différent au mouvement. Avec la grève féministe, de nouvelles personnes s’approprient la grève avec leurs mots d’ordre, leur mode d’organisation et leur détermination.

Cette émergence peut faciliter la réappropriation par les travailleuses et les travailleurs de la grève en général, avec l’objectif de construire par en bas la reconductible.

Dans le prolongement du 7, la mobilisation du 8 pourrait être une journée de bascule dans ce mouvement. La grève du 8 mars est l’affaire de tous et toutes : travailleurs et travailleuses en lutte pour le retrait de la réforme, pour leurs revendications et pour affirmer que la lutte pour l’égalité hommes-femmes et la lutte contre l’exploitation capitaliste sont inséparables.

Luttes des femmes et lutte de classe

Pour les mouvements féministe et ouvrier d’aujourd’hui, la lutte contre la réforme des retraites est une évidence. Lutter pour l’émancipation des femmes, des minorités de genre et de toutes les travailleuses et travailleurs en général, c’est bien sûr lutter contre cette réforme.

C’est l’occasion d’identifier avec clarté ceux qui s’attaquent à l’indépendance économique des femmes en particulier : le gouvernement a bien été contraint de l’avouer, les femmes y seront perdantes.

C’est également l’occasion d’identifier qui bénéficiera de cette réforme : le gouvernement est bien obligé de dire que cette réforme, censée boucher un déficit inexistant et improbable, servira surtout, en fin de compte, à financer des baisses d’impôts et de cotisations pour le patronat. Cette lutte contre la réforme ne se limite pas à la question des retraites. C’est une lutte pour les salaires, la dignité, l’accès à une vie meilleure. C’est en réalité une lutte à la vie à la mort contre le patronat, et qui permet de penser un monde différent.

Il n’y a donc pas, d’un côté, la lutte féministe et, de l’autre, la lutte contre la réforme des retraites. Les deux sont intrinsèquement liées, puisque les femmes sont majoritairement des travailleuses et de futures retraitées. Le combat contre la réforme, c’est le combat contre ce régime politique qui organise le transfert des richesses au profit d’une minorité : les capitalistes.

Il y a presque 107 ans, la concurrence capitaliste avait plongé la planète dans la Première Guerre mondiale, qui a causé des millions de morts et la famine pour ceux qui n’étaient pas sur le champ de bataille. L’Europe était transformée en boucherie et en caserne. En Russie, le régime tsariste s’illustrait par son autoritarisme au service des capitalistes russes et occidentaux. Le 8 mars 1917, comme le décrit Trotski : « l’initiative fut spontanément prise par un contingent du prolétariat exploité et opprimé plus que tous les autres – les travailleuses du textile. » Ces femmes se mirent en grève et entraînèrent à leur suite les ouvriers. La grève des femmes du 8 mars a été le déclencheur de la plus grande révolution du xxe siècle, celle qui a mis fin à la Première Guerre mondiale dans l’ex-Empire russe. C’est pour cette raison que le mouvement ouvrier communiste a choisi cette date pour la « journée internationale des femmes » – journée de lutte qui renaît aujourd’hui sous cette forme politique et militante, en se dégageant de la récupération institutionnelle mièvre et sexiste de la « journée de la femme ».

Chloé Dorbot

 

 


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